Accéder au contenu principal

“Le discours” de Laurent Tirard




Film français de Laurent Tirard (2020), avec Benjamin Lavernhe, Sara Giraudeau, Kyan Khojandi, Julia Piaton, François Morel, Guilaine Londez… 1h28. Sortie le 9 juin 2021.



Benjamin Lavernhe et… Benjamin Lavernhe



Auréolé du label Sélection officielle Cannes 2020, Le discours s’attache aux affres d’un homme plutôt mal dans sa vie à qui son futur beau-frère demande de prendre la parole à son mariage. Une mission suicide qui renvoie l’heureux élu à sa propre situation peu reluisante, dans un effet miroir saisissant. C’est dans la prose de Fabcaro que Laurent Tirard a puisé l’inspiration de son huitième long métrage. Un portrait au vitriol d’une famille de petits bourgeois confits dans la banalité de leurs habitudes qui ne prend toute son ampleur que grâce à ses interprètes observés d’un regard peu magnanime par le “célib” de service, cet Adrien adulescent et caustique qui ne voit plus que la somme de leurs défauts malgré l’amour qu’il leur porte. Il y a le couple formé par le phraseur François Morel aux maximes de calendrier des postes et l’émerveillée Guilaine Londez en extase permanente, celui fusionnel que constituent la toujours souriante Julia Piaton et le blagueur lourd Kyan Khojandi en opération séduction et celui, encore en pointillés, qui réunit Benjamin Lavernhe et Sara Giraudeau. Et puis aussi la force de l’habitude qui transforme la moindre réunion de famille en spectacle de stand-up au rabais et ses protagonistes en marionnettes tragi-comiques.



Julia Piaton et Kyan Khojandi



Avec cette comédie introspective qui se présente un peu comme une réplique à Mensonges et trahisons et plus si affinités… (2004) par sa contemporanéité, Laurent Tirard a déclaré vouloir retrouver les sensations d’un premier film et se dégager du poids de ses opus précédents, qu’il s’agisse d’Astérix et Obélix : au service de Sa Majesté ou des deux volets du Petit Nicolas qu’il a signés. Il a jeté son dévolu pour cela sur une bande dessinée qui se déroule dans la tête de son héros et a trouvé des équivalences inventives à ce parti pris contraignant, notamment en décidant que son personnage principal s’adresse à la caméra pour faire des spectateurs ses complices. La mise en scène désosse ainsi le roman de Fabcaro pour le restituer façon puzzle sous la forme d’une succession de moments d’anthologie qui reposent pour une bonne part sur une galerie d’interprètes aux prises avec des archétypes savoureux. Le discours égratigne la famille sous ses aspects les plus traditionnels, en partant du principe que c’est elle qui empêche Adrien de prendre son indépendance en construisant son propre bonheur. C’est une comédie qui va beaucoup plus loin qu’il ne pourrait y paraître de prime abord en distillant une tendresse plutôt cruelle.

Jean-Philippe Guerand




Benjamin Lavernhe et Sara Giraudeau

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract