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“Indes galantes” de Philippe Béziat




Documentaire français de Philippe Béziat (2020) 1h48. Sortie le 23 juin 2021.






Au début, il y a une mise en scène de l’opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau Les Indes galantes par Clément Cogitore dont la particularité est d’avoir recruté sa distribution dans des cités de banlieue afin d’insuffler à une partition de musique baroque de 1735 la dynamique du hip-hop, mais aussi du krump, du break et du voguing, tels qu’ils se dansent de nos jours. À l’arrivée, il y a une aventure humaine hors du commun qui tire sa richesse d’une chimère d’œcuménisme artistique et social. La jeunesse de banlieue si décriée se voit conviée à investir le saint des saints confisqué par l’élite : l’Opéra Bastille. Ce choc culturel, Philippe Béziat s’en fait le témoin attentif en suivant ce processus de création atypique qui prend rapidement l’allure d’une opération de mixage social réussi, sous le signe du mouvement des corps et d’une vaste opération d’hybridation artistique orchestrée en symbiose par le metteur en scène et la chorégraphe Bintou Dembélé.






Cette prise de pouvoir orchestrée par Clément Cogitore est l’aboutissement d’un projet artistique novateur dont les retombées sociales ne sont que la conséquence. Pas question pour le metteur en scène ou son commanditaire, l’Opéra de Paris, de s’acheter une conscience en médiatisant une opération démagogique au cours de laquelle des artistes consacrés exploiteraient ou même instrumentaliseraient des talents en devenir. Son idée est de susciter un choc artistique en revigorant par un dynamisme d’aujourd’hui une partition de près de trois siècles pour montrer qu’elle peut tirer une nouvelle modernité de cette relecture. C’est une entreprise longue de deux ans que suit Philippe Béziat dans ce documentaire qui suit la genèse du projet, de ses séances de travail initiales à sa première représentation Une structure qui épouse en fait celle de pas mal de classiques de la comédie musicale, de la fameuse série des Broadway Melody à Chorus Line. Rien de tel qu’un spectacle en train de prendre forme pour mettre en valeur la contribution de ses créateurs. C’est ce que réussit en beauté ce film enthousiasmant qui donne des fourmis dans les jambes.

Jean-Philippe Guerand





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