Film français de Samir Guesmi (2020), avec Abdel Bendaher, Samir Guesmi, Rabah Naït Oufella, Luàna Bajrami, Philippe Rebbot… 1h20. Sortie le 23 juin 2021.
C’es l’histoire simple d’un père qui a tout donné à son fils et va se trouver bien mal payé de retour lorsque celui-ci va tomber sous la coupe de petits délinquants. Pour son premier film en tant que réalisateur, Samir Guesmi s’est aventuré sur un registre extrêmement intime, sans céder aux clichés sur la fatalité sociale. S’il faut convoquer des références, elles se situent davantage du côté de Philippe Faucon que des Misérables. Le malaise que dépeint le film est celui d’une adolescence privée de l’un de ses piliers : la mère. Le père d’Ibrahim, qu’incarne le réalisateur avec sa retenue coutumière, est un homme méritant qui a tout sacrifié pour faire de son fils un type bien, sans réaliser que son activité d’écailler à la devanture d’une brasserie implique une présence limitée auprès de lui, avec en point de mire une promotion illusoire qui lui permettrait d’officier à l’intérieur du restaurant. Comme un stade ultime de l’intégration, aussi dérisoire puisse-t-il paraître.
Ibrahim touche à la fois par la simplicité de son récit et la richesse des sentiments qui le nourrissent. Face à un père qui a du mal à exprimer son amour, l’adolescent égaré rêve d’une vie aussi intense que celle de ses camarades et succombe à la tentation cde l’argent facile qu’ils lui font miroiter, même s’il va faire basculer malgré lui les modestes espoirs familiaux. Pas question pour Samir Guesmi de décliner une énième chronique de banlieue. Le ghetto auquel il s’attaque est une prison intérieure. Celui d’un homme qui s’est fait tout seul avec pour unique aspiration de se fondre dans la foule des anonymes. C’est sur les épaules de son fils unique qu’il a placé le poids de ses ambitions. Une charge de toute évidence bien trop lourde pour ce jeune homme qui doit déjà faire face aux innombrables contraintes de son âge et se montre particulièrement perméable aux sollicitations de son entourage qui lui font miroiter une vie plus facile, en tout cas plus confortable que celle qu’il mène avec ce père aimant mais renfermé. Il y a dans cette chronique délicate une morale universelle qui touche bien au-delà de son histoire simple, comme certains film néoréalistes de Vittorio de Sica, grâce à des personnages pétris d’humanité qui subissent davantage qu’ils n’agissent, en proie à une fatalité qui les dépasse si elle ne les écrase pas.
Jean-Philippe Guerand
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