Film français de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh (2020), avec Alséni Bathily, Lyna Khoudri, Jamil McCraven, Finnegan Oldfield, Farida Rahouadj, Denis Lavant… 1h38. Sortie le 23 juin 2021.
Lyna Khoudri
Youri vit dans la cité Gagarine d’Ivry-sur-Seine. Comme son idole, le cosmonaute soviétique Youri Gagarine qui l’inaugura en personne en 1963 après avoir été le premier homme envoyé dans l’espace, il rêve de devenir astronaute. Mais quand la réalité le rattrape sous la forme de la destruction annoncée des immeubles de brique qui ont bercé sa jeunesse, il décide d’entraîner ses camarades dans une lutte sans merci. Le premier long métrage de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh est délibérément placé sous le signe de la poésie. Il repose sur une nostalgie qui n’est à aucun moment tournée vers le passé, mais plutôt en direction de l’avenir. C’est la chronique d’un monde qui fait la part belle aux rêveurs et où une cage d’escalier peut se transformer en navette spatiale par la grâce d’une atmosphère en apesanteur et d’une bonne dose d’imagination. Une fable douce pleine de tendresse qui rompt avec tous ces films de cités pétris de haine et gorgés de décibels.
Lyna Khoudri et Alséni Bathily
Précédé en 2014 d’un court métrage homonyme, Gagarine s’inspire de faits authentiques (la cité a effectivement été détruite en 2019) pour convoquer cette époque héroïque où les municipalités communistes se sont dotées de grands ensembles destinés à abriter des logements sociaux dont les occupants étaient liés par une solidarité spontanée. C’est cette chaleur humaine qu’exalte le film, à travers la complicité de ses habitants dont la jeunesse est indissociable d’une utopie architecturale qui a bercé des générations sans pâtir pour autant de la mauvaise réputation des cités édifiées dans des banlieues plus lointaines et devenues parfois des lieux de non-droit. La mise en scène sert le propos sans jamais l’écraser, avec la complicité et surtout la fraîcheur de ses interprètes, à commencer par le débutant Alséni Bathily et la délicieuse Lyna Khoudri (César du meilleur espoir féminin pour Papicha), mais aussi l’incursion de documents d’archive qui deviennent consubstantiels du récit. Sans doute parce que les réalisateurs ont procédé à des entretiens avec les habitants et organisé des ateliers vidéo en prélude au tournage du film proprement dit. C’est ce background invisible qui nourrit le regard d’un spécimen de réalisme poétique jamais amer ni acide. Comme une bulle de bonheur.
Jean-Philippe Guerand
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