200 Meters Film palestino-jordano-quatari-suédo-italien d’Ameen Nayfeh (2020), avec Ali Suliman, Anna Unterberger, Lana Zreik, Motaz Mahlees… 1h37. Sortie le 9 juin 2021.
Il est des réalités qui dépassent la plus folle des fictions. C’est le cas du point de départ de 200 mètres dans lequel un père qui voit son épouse et ses enfants de sa fenêtre, au point de pouvoir leur adresser des signes, doit accomplir un véritable chemin de croix chaque fois qu’il veut les étreindre. Parce qu’il habite d’un côté du mur qui fracture l’État d’Israël et eux de l’autre. Tout l’intérêt de cette fiction au point de départ intimiste est d’étendre son propos à une réflexion universelle sur l’enfermement et ce fonctionnement en vase clos qui contraint chaque jour des centaines voire des milliers de personnes à accomplir un véritable parcours du combattant pour rejoindre leur proches ou se rendre simplement sur leur lieu de travail, pour peu qu’il se trouve de l’autre côté de cette muraille. Ameen Nayfeh n’entend pas polémiquer, mais montrer et il procède avec talent en insérant dans sa fiction des images documentaires qui restituent la réalité de ces checkpoints et de ces files d’attente interminables supposées protéger l’État hébreu des menaces venues de l’extérieur. Mais ici la politique n’est pas vraiment le sujet. C'est un contexte omniprésent qui ne peut laisser quiconque indifférent.
200 mètres est une belle parabole sur la folie des hommes et cette gymnastique acrobatique auquel contraint un dédale absurde qui absorbe autant de temps que d’efforts pour un résultat dérisoire qui n’est rien d’autre qu’une vie à peu près normale. Ali Suliman incarne avec autorité ce père de famille dont les circonstances compliquent à l’infini les gestes les plus élémentaires, en démultipliant ses tentatives pour ménager la vie la plus harmonieuse qui soit à ses enfants. Jusqu’au moment, où il va devoir passer d’un côté à l’autre en urgence et mesurer la complexité de la situation pour ces Palestiniens ballottés malgré eux. C’est la réalité quotidienne que dépeint ce film dont la charge symbolique va bien plus loin que le documentaire polémique dans lequel Simon Bitton avait relaté la construction de ce Mur (2004) devenu le symbole de l’incommunicabilité entre deux peuples contraints de cohabiter. D’un coup, la vie de cet homme ordinaire va télescoper les mouvements incessants de ces anonymes contraints à emprunter des itinéraires dignes de souris de laboratoire ou de fourmis laborieuses. Avec en ligne de mire l’illusion d’un bonheur qui n’est vraiment pas de tout repos.
Jean-Philippe Guerand
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