Film français de Charlène Favier (2020), avec Noée Abita, Jérémie Renier, Marie Denarnaud, Muriel Combeau, Catherine Marchal… 1h32. Sortie le 19 mai 2021.
Élève en sport-études, Lyz attire l’attention d’un ex-champion de ski qui la prend sous sa coupe comme entraîneur, jusqu’à exercer une véritable emprise sur l’adolescente coupée des siens afin de pouvoir s’entraîner intensivement… Pour son premier long métrage, Charlène Favier n’a pas vraiment choisi la facilité en laissant les violences sexuelles dont elle a elle-même été victime irriguer cette histoire. Avec l’aide de sa coscénariste Marie Talon et l’expertise précieuse du chevronné Antoine Lacomblez, fidèle collaborateur d’Alexandre Arcady, elle décortique le processus insidieux qui consiste pour un être humain, quel qu’il soit, à prendre l’ascendant sur un autre plus fragile. On pense évidemment au livre de Vanessa Springora “Le consentement”, mais également à plusieurs affaires récentes dont celle qui a éclaté au sein de la fédération de patinage artistique, pourtant postérieurs l’un et l’autre à l’écriture et à la réalisation de ce film douloureux mais nécessaire. Slalom s’attache en fait à un phénomène longtemps tu, mais connu des familiers de ces milieux. Son ton délibérément clinique réduit le romanesque à sa plus simple expression, dans le but d’éviter de sombrer dans le sensationnalisme complaisant. C’est à dessein que la mise en scène joue la carte de l’ascèse afin d’explorer la façon dont se forme une chape de plomb écrasante qui va isoler peu à peu le tandem formé par la victime et son bourreau, en toute impunité.
Lauréat du Prix Magelis des étudiants au festival d’Angoulême et du Prix d’Ornano-Valenti au festival de Deauville, Slalom réunit deux interprètes venus d’horizons extrêmement différents. Face au toujours impeccable Jérémie Renier tout en retenue dans le rôle de ce mentor qui reporte ses frustrations personnelles sur sa protégée : l’impressionnante Noée Abita, déjà impeccable dans le rôle-titre d’Ava (2017) de Léa Mysius, que Charlène Favier a dirigée préalablement dans un court métrage préparatoire intitulé Odol Gorri (2018) afin de leur permettre de prendre leurs marques l’une par rapport à l’autre. le physique de femme-enfant de la comédienne sert ce personnage à cet âge ingrat où il s’agit de trouver rien de moins que sa place dans le monde. Par son refus du spectaculaire, ce film pudique et délicat instille un malaise grandissant en procédant à petites touches et en soulignant le décalage qui s’instaure petit à petit entre des apparences anodines et une réalité parfois sordide. L’épreuve s’avère toutefois salvatrice. C'est un nouveau signal d'alerte qui dissèque un processus d'autant moins implacable si un maximum de personnes en identifie les codes.
Jean-Philippe Guerand
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