Film français de Ludovic Bergery (2020), avec Emmanuelle Béart, Vincent Dedienne, Tibo Vandenborre… 1h40. Sortie le 19 mai 2021.
Une femme devenue veuve entreprend de se reconstruire en embarquant pour une nouvelle vie sous laquelle elle espère enfouir ses souvenirs douloureux. Installée chez sa sœur, elle entreprend de rattraper le temps perdu, tente de dissoudre son travail de deuil dans des études de littérature et se trouve confrontée malgré elle à une génération qui n’est plus la sienne. Sujet délicat qui se trouve transcendé ici par la présence opportune d’Emmanuelle Béart, actrice devenue rare au propre comme au figuré, qui joue avec subtilité du décalage existant entre son apparence physique falsifiée par la chirurgie esthétique et un personnage qui aimerait pouvoir se donner une seconde chance en effaçant tout et en repartant sur de nouvelles bases. Il n’est pas question pour cette femme de courir après sa jeunesse, mais plutôt de retrouver une place dans la société, en s’aventurant dans une nouvelle direction. En choisissant pour cela Emmanuelle Béart, Ludovic Bergery a démultiplié la puissance de cette situation. Parce que l’histoire simple de cette femme est écrite sur le visage de l’actrice qui assume sa transformation physique et les séquelles qui la marquent dans sa chair pour donner un précieux vécu à ce personnage confronté à des désirs qu’elle croyait caducs.
Vincent Dedienne et Emmanuelle Béart
L’étreinte repose sur la confrontation d’une femme qui peine à retrouver sa place dans la société en se tournant malgré elle vers une génération qui pourrait être celle de ses enfants. Une réflexion sur le vieillissement et ce décalage inéluctable qui s’instaure fatalement entre un corps soumis à des transformations physiques artificielles, dictées par le fantasme de la jeunesse éternelle, et une personnalité indépendante soumise à d’autres impératifs. Un fossé appelé à se creuser qui conditionne les relations de cette femme avec ses nouveaux compagnons de vie, des étudiants qui la considèrent avec une distance matinée de respect (elle à l’âge de leurs parents), mais aussi avec ceux de son âge le plus souvent emprisonnés dans un schéma familial contraignant dont les obligations se révèlent incompatibles avec l’intégration d’une personne seule dans leur cercle intime. Vision très pertinente d’une situation rarement prise en compte par le cinéma qui se voit sommé d’opter systématiquement entre le Feel Good Movie supposé être la panacée universelle contre les sujets plombants (la maladie, la vieillesse, etc.) et une vision plus réaliste devenue l’apanage des auteurs consacrés. En s’aventurant dans une sorte de No Man’s Land entre ces deux alternatives, Ludovic Bergery signe un premier film sensible et empathique.
Jean-Philippe Guerand
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