Roald Dahl’s The Witches Film américain de Robert Zemeckis (2020), avec Anne Hathaway, Octavia Spencer, Stanley Tucci, Kristin Chenoweth, Jahzir Bruno, Chris Rock… 1h46. Mise en ligne sur Filmo TV, Orange VOD, Canal VOD et UniversCiné le 17 mars 2021.
Il y a quelque chose d’évident dans la rencontre de l’écrivain Roald Dahl et du réalisateur Robert Zemeckis. L’un comme l’autre ont conçu une œuvre que la jeunesse s’est appropriée pour une bonne part comme un référent culturel à l’épreuve du temps. Sacrées sorcières est l’adaptation du roman homonyme publié en 1984 chez Gallimard, et récemment devenu une bande dessinée grâce à Pénélope Bagieu, qui a déjà inspiré par ailleurs Les sorcières (1990) de Nicolas Roeg. Un orphelin élevé par sa grand-mère maternelle au fin fond de l’Alabama ségrégationniste s’y trouve confronté à des sorcières dont la particularité est de prendre l’identité la plus anodine pour s’immiscer au cœur même de la société, alors que l’Amérique soixante-huitarde vibre au rythme d’une révolution musicale.
Le réalisateur de Retour vers le futur se sent comme chez lui dans l’univers du créateur de Charlie et la chocolaterie qu’il s’approprie avec un naturel déconcertant. La reconstitution aussi impeccable que les effets spéciaux démontrent que pour peu qu’on lui en fournisse l’occasion, Zemeckis est loin d’avoir épuisé le potentiel créatif qui contribua à la gloire de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? (1988), Forrest Gump (1994) ou Seul au monde (2000). Il met de côté cette fois la surenchère technologique qui a pu entraver par le passé certains de ses films, comme La légende de Beowulf (2007) et Le drôle de Noël de Scrooge (2009), pour se recentrer sur l’essentiel : une bonne histoire racontée avec beaucoup d’imagination et les outils appropriés, de la gamine changée en poule à un bouquet final de très haute tenue. Cette conjonction suffit à faire toute la différence avec Alliés (2016), par exemple. Le cinéaste a d’ailleurs bénéficié pour cette adaptation du précieux concours de deux orfèvres en la matière : Kenya Barris, créateur de la série Black-ish (2014) associé récemment à Un prince à New York 2 et le visionnaire Guillermo del Toro qui a parsemé ce conte fantastique de spécimens caractéristiques de son bestiaire personnel et l’a coproduit avec son compatriote Alfonso Cuarón.
L’interprétation compte pour beaucoup dans le plaisir jubilatoire qu’on prend à cette histoire où les flash-backs s’enchevêtrent avec une virtuosité jamais ostentatoire. Mention spéciale à Octavia Spencer en guérisseuse protectrice et débonnaire qui intègre l’irrationnel avec un naturel désarmant, mais croit que les sorcières ne s’attaquent qu’aux laissés-pour-compte. Jusqu'au moment où elle débarque dans un palace en plein sabbat sous couvert d’un séminaire contre la violence à l’égard des enfants. Contre-emploi spectaculaire d’une Anne Hathaway à la diction rocailleuse, un doigt par pied, trois par main, un chat noir sur l’épaule, en Grandissime patronne en lévitation d’une assemblée de sorcières chauves jubilant à l’idée de réduire les gamins à l’état de souris. Avec cette utilisation généreuse de la musique d’Alan Silvestri qui caractérise sa collaboration fertile avec Zemeckis depuis plus de trente-cinq ans. Un spectacle familial de haute volée, dans l’acception la plus noble de cette expression. Sans oublier un clin d’œil malicieux à… Ratatouille !
Jean-Philippe Guerand
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