Namsanui bujangdeul Film coréen de Woo Min-ho (2020), avec Lee Byung-Hun, Lee Sung-min, Kwak Do-won, Lee Hee-joon… 1h54. Mise en ligne sur Filmo TV, Orange VOD, Canal VOD et UniversCiné le 4 novembre 2020.
Chronique des dernières semaines du dictateur sud-coréen Park Chung-hee arrivé au pouvoir en 1961 et éliminé dix-huit ans plus tard à l’intérieur de son refuge sécurisé par la KCIA, elle-même mise sur écoute par… la CIA quand les Américains ont senti leur échapper l’homme qu’ils avaient plus ou moins placé au pouvoir à l’issue de cette Guerre de Corée jamais conclue par un traité de paix. Comme pour rétablir une hiérarchie. Son service de renseignements à la pointe du progrès, ce despote paranoïaque l’avait utilisé pour asseoir son pouvoir absolu en allant jusqu’à faire espionner son propre gouvernement et même sa garde rapprochée. C’est son directeur en personne, Park Yong-gak, qui a révélé en détail ses agissements devant la justice américaine après avoir fait défection et demandé l’asile politique aux États-Unis. Comme son titre français le souligne à dessein, le film de Woo Min-ho placé sous le signe de Shakespeare doit autant aux Hommes du président (1976) d’Alan J. Pakula qu’à ce cinéma de dénonciation qui a fait florès dans les années 70 et 80 sous l’égide de Costa Gavras ou Francesco Rosi. Avec en prime une réflexion intéressante sur la solitude qu’implique le pouvoir absolu.
Le réalisateur s’est notamment fait remarquer par le passé en signant The Drug King (2018), le biopic d’un parrain de la drogue des années 70. Peu connu en France, où aucun de ses quatre opus précédents n’a bénéficié d’une exploitation en salles, ce cinéaste stylé appartient à la nouvelle génération d’un cinéma coréen qui brille par son efficacité à toute épreuve et un storytelling maîtrisé jusqu’au plus infime détail. Présenté à l’Étrange festival en septembre 2020, L’homme du président en témoigne par sa construction impeccable, un carton nous avertissant au début que certaines scènes peuvent avoir été inventées, alors même que la chronique de cette chute s’appuie sur des événements historiques avérés et en dissèque les tenants et les aboutissants rocambolesques avec une rigueur qui n’a rien à envier, par exemple, à la mécanique de précision du Traître de Marco Bellocchio. Au point d’envoyer son officier de sécurité personnel chez ces “salauds de Yankees” afin d’empêcher le proscrit de publier ses mémoires intitulé “Le traître de la révolution”. Tout un programme !
Autant influencé esthétiquement par Conversation secrète (2004) de Francis Ford Coppola que par Munich (2005) de Steven Spielberg, L’homme du président témoigne d’une méticulosité extrême dans le travail de reconstitution, y compris lors d’un épisode parisien où défilent la tour Eiffel, l’Arc de triomphe et la place Vendôme. Ce thriller d’espionnage s’avère passionnant par le soin apporté à la caractérisation des personnages qui entourent le président. Une cour des miracles dont les murs ont des oreilles et qui voit ses plus hauts dignitaires rivaliser de fourberie, à l’instar de ce colonel Kwak, chef de la sécurité mégalo qui passe à tabac des parlementaires afin de mettre un terme à leur grève de la faim et n’hésite pas à mobiliser des tanks pour assurer la protection rapprochée du président et satisfaire son ego personnel… quitte à ramper aux pieds de son maître quand il menace de tomber en disgrâce. Des luttes de pouvoir intestines mises en scène sans esbroufe qui réussissent à rendre palpitante cette chronique d’une déchéance annoncée qui menace les autocrates enfermés dans leur tour d’ivoire. Le tout avec la contribution des meilleurs comédiens du cinéma coréen contemporain dans des rôles de composition parfois radicaux.
Jean-Philippe Guerand
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