Série française d’Antony Cordier (2020), avec Melvil Poupaud, Géraldine Pailhas, Michel Vuillermoz, Daphné Patakia, Quentin Dolmaire, Laurent Poitrenaux, Nicole Garcia, Alessandro Mancuso, Capucine Valmary, Jean-Charles Clichet, Olivier Broche… 12 épisodes de 30 mn. Diffusion sur Canal + à partir du 11 janvier 2021.
Daphné Patakia, Michel Vuillermoz,
Melvil Poupaud et Quentin Dolmaire
1978. Dix ans après l’éruption de Mai 68, la France rêve à un monde meilleur qu’appelle de ses vœux le fringant Président Giscard d’Estaing. L’ingénieur Didier Mathure a vu quant à lui son avenir prometteur partir en fumée dans l’explosion de la fusée qu’il a conçue avec la mère de ses enfants, Élise Conti. Depuis il végète à la tête d’un bureau d’enquête chargé d’étudier les phénomènes extra-terrestres et de recueillir les dépositions de ceux qui en ont été témoins… Conçu par deux trentenaires issus de la Femis, Clémence Dargent (Têtard, 2017) et Martin Douaire (Nina, 2017-2018), OVNI(s) nous propulse dans des années 70 fantasmées où le pays de Jules Verne dirigé par un héritier déclaré de John F. Kennedy qui va dîner chez l’habitant et faite copain avec les éboueurs, aimerait bien ressembler aux États-Unis et peaufine sa propre conquête de l’espace en scrutant le ciel. En s’attaquant à sa première série, Antony Cordier a pris le parti d’en sourire. La nostalgie est pourtant elle aussi au rendez-vous de ce défilé de pantalons à pattes d’éléphant, de chemises bariolées et de Ray-Ban vintage qui n’utilise sa thématique fantastique que comme prétexte pour dépeindre une joyeuse bande de rêveurs éveillés, en route pour la gloire que symbolisera plus tard la réussite du programme Ariane. Avec en invité surprise un fringant Steven Spielberg en Tintin américain sur la trace de ces extra-terrestres qu'il vient de faire atterrir dans Rencontres du troisième type (1977) et qu'il s'apprête à renvoyer à la maison dans E.T. (1982).
Melvil Poupaud, Alessandro Mancuso et Capucine Valmary
OVNI(s) nous promet six heures de pure jubilation baignées d’une succession grandiose de tubes rétros ponctués par les percussions du fidèle alter ego musical d'Antony Cordier, Thylacine. Melvil Poupaud et Géraldine Pailhas imposent leur autorité matinée de glamour à ce suspens parfois aux confins du loufoque qui réussit la prouesse d’associer les conventions d’une sitcom pétillante de malice à un thème de science-fiction. On y retrouve cette fantaisie dans les rapports humains qui gouvernait déjà la famille tuyau de poêle de Gaspard va au mariage (2017), le dernier long métrage en date du réalisateur. La perfection du casting constitue d’ailleurs l’un des secrets de sa réussite, du tandem fantasque formé par les apprentis ufologues qu'incarnent Quentin Dolmaire (aux antipodes de sa composition de Trois souvenirs de ma jeunesse) et Daphné Patakia (la révélation de Meltem), à l’énigmatique commandante des services secrets campée par Nicole Garcia. L’ancrage de la série dans son époque passe en outre par des incursions réussies de la réalité, que ce soit à travers une conversation téléphonique avec le Président de la République, la reconstitution saisissante d’un journal télévisé présenté par Jean-Claude Bourret, par ailleurs expert autoproclamé des extra-terrestres, ou le fameux rassemblement du Larzac qui incarna dans les années 70 la naissance d’un mouvement de désobéissance civile aujourd’hui à nouveau d’actualité.
Ne pas croire pour autant qu’Antony Cordier tourne autour du pot et évite d’aborder le sujet ambitieux suggéré par son titre. Des phénomènes paranormaux, il y en a dans OVNI(s)… et des plus troublants. Ses auteurs choisissent juste de les inscrire dans une époque où, malgré les premières atteintes à la croissance engendrées par la crise pétrolière, les Français ont envie de croire à un autre monde que seul Hollywood parvient encore à faire exister visuellement. C’est ce défi que relève le metteur en scène avec autant de tendresse que d’humour. La réussite est d’autant plus éclatante qu’il doit respecter un cahier des charges qui lui était jusqu’alors étranger, notamment parce que son rôle est de servir un scénario plutôt habile. Difficile de résister au charme insidieux de cette série résolument atypique qui recycle habilement des faits de société authentiques pour broder autour de délicieux fantasmes. Louons ici le travail méticuleux effectué par le décorateur Jean-Marc Tran Tan Ba et le costumier Pierre Canitrot pour donner des formes et des couleurs (psychédéliques) à notre mémoire. Histoire de rendre la fiction encore plus belle qu’une réalité déjà abondamment idéalisée. Ce n’était sans doute pas mieux avant, mais OVNI(s) fait comme si avec une bonne humeur tonique qui mérite d’ores et déjà d’engendrer une deuxième saison.
Jean-Philippe Guerand
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