Accéder au contenu principal

“The Prom” de Ryan Murphy




Film américain de Ryan Murphy (2020), avec Meryl Streep, James Corden, Nicole Kidman, Keegan Michael Key, Andrew Rannells, Kerry Washington, Jo Ellen Pellman, Ariana Debose, Mary Kay Place, Tracey Ullman… 2h10. Mise en ligne sur Netflix le 11 décembre 2020.



Jo Ellen Pellman et Ariana Debose


Le bal de fin d’année est une véritable institution aux États-Unis où il a servi de cadre à d’innombrables films parmi lesquels bon nombre de joyaux du cinéma d’horreur, de Carrie au bal du diable (1976) de Brian de Palma au Bal de l’horreur (2008) de Nelson McCormick, mais aussi des chroniques sentimentales telles que Peggy Sue s’est mariée (1986) de Francis Ford Coppola et des comédies comme la saga à rallonge American Pie (1999-2009) des frères Weitz. Cette soirée dansante est en quelque sorte l’équivalent américain de notre bon vieux bal des débutantes circonscrit dans un cadre scolaire. C’est pour les filles, encore plus que pour les garçons, un véritable rite initiatique. Comme une métaphore du passage de l’adolescence à l’âge adulte. Inspiré d’une comédie musicale de Bob Martin, Chad Beguelin et Matthew Sklar qui a triomphé à Broadway, The Prom s’attache à un lycée de l’Amérique profonde dans lequel les parents d’élèves décident de refuser l’accès à ce plaisir après tout bien inoffensif aux couples homosexuels. Jusqu’au moment où débarque dans cette bourgade de l’Indiana un quatuor de gloires du music-hall bien décidé à faire triompher la tolérance et la bienveillance. Quitte à jouer les bonnes fées pour redorer leur blason…



James Corden, Nicole Kidman, Andrew Rannells et Meryl Streep



The Prom reprend à son compte cette bonne humeur qui a toujours constitué le secret de jouvence des comédies musicales. Certes, on est à des années-lumière des ballets géométriques de Busby Berkeley, des solos de Fred Astaire, Gene Kelly, Cyd Charisse ou Ginger Rogers, des performances vocales de Judy Garland, Frank Sinatra, Barbra Streisand ou Liza Minnelli, et de la virtuosité de Vincente Minnelli ou Stanley Donen. Le film de Ryan Murphy a en revanche moins à souffrir de la comparaison avec des œuvres plus récentes, qu’il s’agisse de Grease, Evita voire Lalaland. Il reflète très exactement l’évolution d’un genre injustement considéré comme mineur et son ambition de soutenir ici une cause souvent cantonnée dans un ghetto réservé à des films d’auteur nettement plus confidentiels dans lesquels le militantisme passe avant le spectacle proprement dit.



Ariana Debose et Jo Ellen Pellman




Premier atout du film : sa distribution. Les stars Meryl Streep et Nicole Kidman s’y retrouvent dix-huit ans après The Hours de Stephen Daldry, mais sur un tout autre registre. Avec, à leurs côtés, les sémillants James Corden et Andrew Rannells. Le film accorde une large place aux numéros musicaux et comporte deux numéros de plus que le spectacle d’origine. Il intègre par ailleurs deux chanteuses de renom parmi ses interprètes en la personne de Kerry Washington et Tracey Ullman. Sous son entrain affleure par ailleurs un solide plaidoyer en faveur de la cause LGBT qui a le bon goût de ne jamais se prendre trop au sérieux. The Prom affiche un prosélytisme convivial et festif qui érige la quête du plaisir au rang de sacerdoce païen à travers quelques séquences particulièrement enlevées. Ses joyeux lurons transplantés de Broadway à l’Amérique profonde n’ont pas pour ambition de faire changer les mentalités, mais de contribuer au bonheur d’une jeune fille esseulée en lui donnant confiance en elle, y compris face à ses parents déconcertés et à son amoureuse résignée.



Meryl Streep



À défaut de s’appuyer sur des standards inoubliables ou de se laisser porter par une bande originale en or massif, The Prom table sur un enthousiasme communicatif qui passe par de nombreux numéros musicaux et quelques chorégraphies joyeusement enlevées. Le film n’est pas exempt en outre d’une certaine ironie, notamment au début lorsqu’il évoque ce flop mémorable rencontré par un improbable Biopic musical des époux Roosevelt interprétés à grands renforts de cabotinage par Meryl Streep et James Corden. On reconnaît là la patte de l’expert Ryan Murphy, le créateur de Glee devenu l’homme à tout faire de Netflix et associé en quelques mois aux séries The Politician, Hollywood et Ratched sur des registres très différents. Il signe avec The Prom une comédie musicale d’aujourd’hui, en offrant à Meryl Streep l’occasion de réparer l’affront qu’elle a subi naguère en se voyant préférer Madonna dans l’adaptation cinématographique d’Evita (1996) réalisée par Alan Parker. Quitte à y faire allusion ici dans une pique. Après le triomphe planétaire des deux volets de Mamma Mia !, elle confirme son aisance dans ce domaine aussi, avec juste ce qu’il faut de second degré pour ne jamais trébucher dans le ridicule. Champagne !

Jean-Philippe Guerand










Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract