Film américain de Pete Docter et Kemp Powers (2020), avec les voix de Jamie Foxx/Omar Sy, Tina Fey/Camille Cottin, Graham Norton/Ramzy Bedia… 1h40. Mise en ligne le 25 décembre 2020 sur Disney +
Le jour même où il obtient enfin sa titularisation comme professeur de musique dans un établissement scolaire, semblant ainsi tirer un trait définitif sur son ambition de pianiste, Joe Garner fait la connaissance d’une saxophoniste de légende qui l’invite à venir jouer à ses côtés dans un club de jazz. Un incident inattendu va toutefois le projeter dans un autre monde et lui faire rencontrer une âme qui n’a jamais réussi à trouver l’enveloppe corporelle de ses rêves…
Après Monstres & Cie (2001), Là-haut (2009) et Vice-versa (2015), Pete Docter confirme sa singularité au sein de l’écurie Pixar dont il est l’un des cracks incontestés. Il s’attache cette fois rien moins qu’aux origines de l’homme en nous entraînant dans un monde où se façonnent les personnalités, puis reviennent s’évanouir les âmes mortes, tandis que d’autres déferlent vers leur destin. Une réflexion abyssale qui transforme le créateur en Dieu, au propre comme au figuré, et réussit la prouesse de conserver sa fonction ludique intacte. Retenu dans la fameuse sélection officielle du festival de Cannes 2020, qui nous a déjà offert quelques pépites, Soul est une œuvre magistrale sinon essentielle qui réussit la gageure de soulever des questions fondamentales relevant de la physique quantique, à travers un spectacle total. Le génie de Docter (et de son acolyte Kemp Powers) est de parvenir à traduire de façon imagée des concepts qui relèvent à la fois de la philosophie et de la science. Quitte à ébaucher une authentique réflexion existentielle.
L’animation proprement dite emprunte plusieurs formes distinctes : du quotidien new-yorkais qui constitue un hommage sublime à cette ville mythique si souvent filmée à ce Grand Avant et ce Grand Après où la blancheur des âmes contraste avec la noirceur des espaces infinis, en passant par les représentants du potentat suprême, formes stylisées qui renvoient à la pureté graphique chère à Cocteau et Picasso. Au point de se fondre comme si de rien n’était à une affiche du MoMa collée sur le mur d’une station de métro. Soul est de ces films qui osent tout et s’en donnent les moyens, en association élégance et intelligence. À l’instar d’une bande originale époustouflante qui pratique le mélange des genres en associant les talents du jazzman Jonathan Batiste et du duo de Nine Inch Nails, Trent Reznor et Atticus Ross, déjà oscarisé en 2011 pour sa contribution à The Social Network de David Fincher. Ce voyage introspectif est avant tout une formidable invitation au rêve qu’on peut qualifier sans grand risque de classique instantané.
Jean-Philippe Guerand
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