Film franco-danois de Rémi Chayé (2019), avec les voix de Salomé Boulven, Alexandra Lamy, Alexis Tomassian… 1h22. Sortie le 14 octobre 2020.
De Calamity Jane, on sait qu’elle a compté parmi les figures les plus emblématiques de la Conquête de l’Ouest, qu’elle a écrit des “Lettres à sa fille” qui constituent un témoignage capital sur son époque et qu’elle a elle-même substitué sa propre légende à la réalité historique dans le fameux spectacle du “Wild West Show”, à l’occasion duquel elle distribue au public un fascicule autobiographique qui nourrira sa légende. Rémi Chayé a décidé de s’attaquer aux années d’apprentissage de Martha Jane Cannary en laissant vagabonder son imagination, tout en respectant les grandes lignes de la vérité historique. Le réalisateur délicat de Tout en haut du monde (2015) met en scène une gamine effrontée qui tient le rôle de sa mère morte auprès de son père et de ses frères et sœurs, dresse les chevaux et part à la chasse avec les adultes. Bref, une gamine rapidement montée en graine qui devient précocement adulte et préfigure la femme d’exception qu’elle deviendra dans ce monde terriblement machiste. Comme le précise clairement son titre, c’est “une” enfance de Martha Jane Cannary qui inspire ce film, pas “son” enfance.
C’est en utilisant un délicat camaïeu d’aplats aux couleurs chaudes et douces que Chayé traite cette chronique d’apprentissage qui lui offre l’occasion de signer un authentique western “made in France”, très éloigné des parodies inspirées par les aventures de Lucky Luke, par exemple. Il trouve par ailleurs en Calamity Jane une authentique pionnière du féminisme -ce qu’elle était vraiment- qu’il s’amuse à dépeindre comme une ado à la langue bien pendue et au caractère bien trempé qui tient tête aux hommes, à commencer par son père à qui la lie un complexe d’Œdipe dépourvu de sous-entendus. C’est l’une des grandes réussites de ce récit initiatique dont la modernité ne relève pas de l’anachronisme, mais d’une détermination à mettre en scène une jeune fille obligée de sa batterie pour s’imposer dans un Nouveau Monde sous l’hégémonie des hommes. Lauréat du prestigieux Cristal au dernier festival d’Annecy, Calamity est une réussite qui fait une nouvelle fois honneur à une école française d’animation qui n’a décidément pas fini de nous surprendre.
Jean-Philippe Guerand
À signaler que ce beau film fait simultanément l'objet d'un Artbook richement illustré dont les textes ont été rédigés par notre amie Caroline Vié : “The Art of Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary”, Éditions Granovsky, 19,95€.
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