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"The Perfect Candidate" de Haifaa Al Mansour



Film germano-saoudien de Haifaa Al-Mansour (2019), avec Mila Alzahrani, Dae Al Hilali, Khalid Abdulrhim… 1h45. Sortie le 12 août 2020.



Face à l’incurie criante de l’administration qui refuse de construire une route en dur pour accéder à la clinique dans laquelle elle exerce, Maryam, médecin célibataire, candidate à un poste au sein de l’unité de chirurgie d’un grand hôpital de Ryad. Mais ses projets sont compromis lorsqu’elle se voit signifier l’interdiction de prendre l’avion sans une autorisation signée de… son père. Révoltée par ce règlement archaïque, elle entreprend de braver le système en se présentant aux élections municipales, ce qui n’est évidemment du goût ni des édiles en place, qui acceptent mal de la voir venir jouer les trouble-fêtes dans leur pré carré, ni même de son veuf de père qui conteste sa décision. Le statut de notable de Maryam n’est que de peu de poids face au fait qu’en Arabie Saoudite, il est hors de question pour une femme d’aspirer à des fonctions réservées aux mâles dominants, par ailleurs souvent corrompus.



Féministe convaincue, la réalisatrice saoudienne de Wadjda signe un réquisitoire cinglant contre l’archaïsme des mentalités qui se perpétue dans ce pays qu’elle a réussi à convertir au cinéma, alors même qu’il ne disposait d’aucune salle. Pionnière à bien des titres, Haifaa Al-Mansour a réalisé successivement le premier court et le premier long métrage produits en Arabie Saoudite. Une prouesse d’autant plus remarquable que ce qu’elle a réussi, aucun homme avant elle n’y était parvenu. The Perfect Candidate enfonce à nouveau le clou à travers la dénonciation en règle d’un système politique corrompu qui se méfie des initiatives individuelles et protège ses hiérarques. La réalisatrice orchestre un meeting électoral exclusivement peuplé d’hommes qui en dit long sur la persistance des mentalités. Elle n’en perd pas de vue pour autant l’aspect proprement humain de son sujet et décrit avec beaucoup de tendresse cette famille privée de mère où l’unique mâle a beaucoup de mal à manifester son amour pour ses filles autrement qu’en leur offrant une protection illusoire, lui le musicien conditionné par un régime dogmatique et autoritaire qui n’a que peu de considération pour les artistes.
Jean-Philippe Guerand


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