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"La troisième femme" d'Ash Mayfair



Nguoi Vo Ba Film vietnamien d’Ash Mayfair (2018), avec Nguyen Phuong Tra My, Tran Nu Yên Khê, Mai Thu Huong… 1h36. Sortie le 19 août 2020. 




Dans le Vietnam rural du XIXe siècle, une gamine de 14 ans est choisie pour devenir la troisième épouse d’un riche propriétaire terrien à qui ses deux précédentes compagnes n’ont pas réussi à donner un héritier mâle. Lorsque la jeune femme tombe enceinte, elle réalise le pouvoir que va lui procurer cette situation si elle parvient à l’exploiter à son avantage. Elle va trouver pour cela la plus imprévue des alliées et jouir de sa véritable sexualité. Du cinéma vietnamien, on ne connaît que quelques films d’auteur signés le plus souvent par des membres de la diaspora qui ont étudié le cinéma à l’étranger. À l’instar du vétéran Tran Anh Hung (L’odeur de la papaye verte, 1993), qui a imposé son style en quelques films, sans toutefois réussir à concrétiser tous les espoirs placés en lui après des débuts fulgurants. Titulaire d’un master des beaux-arts en réalisation à l’université de New York, la réalisatrice Ash Mayfair, 35 ans, signe avec La troisième femme une œuvre aussi sensuelle que splendide dont le thème n’est pas sans évoquer le fameux Épouses et concubines du Chinois Zhang Yimou par son ambition historico-politique. Inspirée par sa mémoire familiale, elle y questionne le statut des femmes dans une société patriarcale et insiste sur le pouvoir réel qu’exerçaient celles-ci.




Féministe par 'instinct avant l’heure, la petite May comprend très vite que son statut n’est pas une fatalité et qu’il convient d’en tirer le meilleur parti possible en exploitant ses atouts personnels les plus éphémères : sa jeunesse et sa beauté. La troisième femme est une double invitation au voyage et au rêve qui n’a jamais peur de séduire par une esthétique d’une splendeur à couper le souffle, sans sombrer pour autant dans l’esthétisme ni dans le contemplatif. C’est surtout la révélation d’un cinéma qui semble avoir atteint un degré qualitatif déjà fort élevé et met cette expérience au service d’une plongée fascinante au cœur de son histoire, encore peu racontée au cinéma, sinon les cicatrices laissées par la guerre d’Indochine et le conflit vietnamien au cours de la seconde moitié du 20e siècle qui ont surtout inspiré les ex-colonisateurs français et les envahisseurs américains.
Jean-Philippe Guerand




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