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"A Perfect Family" de Malou Leth Reymann




En Helt Almindelig Familie Film danois de Malou Leth Reymann (2019), avec Kaya Toft Loholt, Mikkel Boe Folsgaard, Neel Ronholt… 1h41. Sortie le 19 août 2020.




La transsexualité est un sujet ô combien délicat que le cinéma a abordé récemment dans des films tels qu’Une nouvelle amie de François Ozon ou les opus belges Girl de Lukas Dhont et Lola vers la mer de Laurent Micheli. A Perfect Family s’attache à la situation d’un père divorcé qui vient de changer de sexe et part en vacances avec ses deux filles… en se faisant passer pour leur mère. Le postulat est audacieux. Son traitement décomplexé et jamais polémique reflète l’avancée des mœurs en Scandinavie par rapport au reste de l’Europe, sans aucune dramatisation artificielle. Le film repose en effet sur ses protagonistes davantage que sur ses rebondissements. S’il fallait le définir, sans doute le qualifierait-on d’étude de mœurs ou de comédie de caractères. Sa profondeur s’appuie en effet sur sa simplicité trompeuse. C’est dans les circonstances les plus quotidiennes que se produisent les décalages les plus saugrenus.




La réalisatrice danoise Malou Leth Reymann n’hésite pas à jouer sur deux tableaux : la comédie, avec la spontanéité de ce père qui n’a pas encore réussi tout à fait à investir son enveloppe féminine toute neuve et a tendance à forcer le trait par maladresse, quitte à se voir corrigé par ses deux filles qui, en l’occurrence, semblent parfois plus mûres que lui dans ce monde inconnu. C’est cette exploration maladroite de la féminité qui s’avère la plus passionnante, tant l’ex-mâle la pare d’artifices et de clichés typiquement machistes : Dans son esprit (et alors même que son ex-épouse et ses filles s’imposent par leur naturel et leur fraîcheur), une femme séduisante ressemble en fait ni plus ni moins à une prostituée. C’est toutefois l’émotion qui domine, tant les rapports de ces trois personnages bouleversés en profondeur passent par des tâtonnements affectifs souvent maladroits. C’est bel et bien d’une quête identitaire qu’il est question ici. Aux yeux du monde, les filles sont en vacances avec leur mère en qui il faut qu’elles retrouvent ce père dont elles ont toujours été proches. Mais, après tout, comme le disait Jack Lemmon dans Certains l’aiment chaud (1959) de Billy Wilder, « personne n’est parfait ».
Jean-Philippe Guerand



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