Accéder au contenu principal

"Tijuana Bible" de Jean-Charles Hue



Film français de Jean-Charles Hue (2019), avec Paul Anderson, Adriana Paz, Noé Hernandez… 1h32. Sortie le 29 juillet 2020.





Voici un film qui s’avère indissociable de son mode de fabrication ébauché avec le court métrage Tijuana Tales, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en 2017. Remarqué pour deux films consacrés à la communauté des gens du voyage, La BM du seigneur (2010) et Mange tes morts (Prix Jean Vigo 2014), Jean-Charles Hue a entrepris de se plonger en immersion dans les bas-fonds d’une ville mexicaine à la merci des narco-trafiquants. Il a toutefois souhaité y situer une pure fiction, quitte à prendre des risques évidents. Le résultat, saisissant, évoque des films comme La vierge des tueurs (2000) de Barbet Schroeder et Miss Bala (2011) de Gerardo Naranjo. Il est indissociable de la personnalité du comédien britannique qui en tient le rôle principal, Paul Anderson, transfuge de la série Peaky Blinders qui réussit la prouesse d’habiter son personnage de Marine en quête de rédemption, sans qu’on sache toujours où s’arrête le jeu de l’acteur et où la réalité fait valoir ses droits.




Jean-Charles Hue réussit la gageure de faire de son cadre à haut risque son principal partenaire et de chaque séquence une authentique victoire du cinéma vérité le moins complaisant. Tijuana Bible se présente comme une sorte de corps à corps musclé entre un personnage de fiction illuminé et une ville en constante ébullition où la vie ne vaut visiblement pas grand-chose. Le réalisateur ne cède cependant jamais à la tentation de la complaisance et se démarque en cela des codes qu’aurait pu appliquer à un tel sujet le cinéma d’action anglo-saxon en confiant son rôle principal à un héros hollywoodien labellisé. C’est en prenant le contre-pied de ce dispositif que ce film parfois âpre jusqu’à la nausée impose son ton singulier.
Jean-Philippe Guerand



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract