Sarah Suco ©DR
Prix 2019 de la Fondation Barrière pour son premier long métrage en tant que réalisatrice, Les oubliés, qui s’inspire de l’expérience qu’elle a vécue enfant avec sa famille au sein d’une communauté charismastique, Sarah Suco a accompli ses débuts comme comédienne pour échapper à cette emprise sectaire. Entrevue dans Possessions (2011) d’Eric Guirado, Mes héros (2012) d’Eric Besnard et Demi-sœur (2013) de Josiane Balasko, elle affirme ses choix à travers ses rôles, en tournant notamment sous la direction de Louis-Julien Petit Discount (2014), Carole Matthieu (2016) et Les invisibles (2018). On la voit aussi dans L’enquête (2014) de Vincent Garenq, La belle saison (2015) de Catherine Corsini, Orpheline (2016) d’Arnaud des Pallières, Aurore (2017) de Blandine Lenoir, Place publique (2018) d'Agnès Jaoui, Comme des garçons de Julien Hallard, Guy d’Alex Lutz ou Lucky (2020) d’Olivier van Hoofstadt. On lui doit aussi un court métrage en tant que réalisatrice : Nos enfants (2017).
Les éblouis, qui sort le 20 novembre, s’inspire d’une situation que vous avez vécue.
Comment avez-vous réussi à transformer votre douleur en film ?
J’ai d’abord souhaité
raconter une histoire en essayant de me transcender. Et puis, dans la mesure où
je jouais avec mon vécu, ce film, je l’avais dans le cœur depuis des années. Mais
je me protège, car la résilience peut parfois s’avérer très douloureuse. C’est
pour ça que je n’ai placé le carton explicatif qu’à la fin du film.
Le film
traite d’un sujet rarement évoqué à l’écran : l’embrigadement sectaire.
Pourquoi en parle-t-on aussi peu ?
Il existe un reportage sur ces communautés charismatiques
qui s’intitule Les Béatitudes, une secte
aux portes du Vatican que j’ai découvert sur Youtube et qui m’a beaucoup
marquée. Et puis, je trouve qu’au moment où les chaînes info se complaisent à
dénoncer les dérives de l’islamisme, il est important de montrer que le
catholicisme génère lui aussi ses intégristes.
Ce premier
film a-t-il été facile à monter ?
J’ai eu la chance de rencontrer Dominique Besnehard
qui m’a encouragée. J’ai alors travaillé au scénario avec Nicolas Silhol
pendant quatre ans et demi. J’avais besoin d’écrire avec un partenaire. Quand
la version destinée aux financiers a été prête, j’ai demandé à pouvoir tourner
un court métrage pour me prouver que j’en étais capable. Nos enfants est l’adaptation d’Enfants,
un texte de Joël Pommerat extrait de La
réunification des deux Corées que j’adore et qui constitue un récit
autonome. Le financement des Éblouis
a été vraiment merveilleux. Quand nous avons obtenu l’avance sur recette, trois
distributeurs se sont dits intéressés par le projet dont Pyramide qui nous a
finalement accompagnés d’un bout à l’autre.
Le tournage a-t-il été compliqué ?
Plutôt, dans la mesure où nous
disposions de 43 jours de tournage, que le film comportait à la fois une
figuration importante et que quatre des rôles principaux étaient tenus par des
enfants, avec les contraintes légales que cela suppose de la part de la DDASS,
notamment en ce qui concerne la durée de travail quotidienne autorisée.
Initialement, ils étaient même cinq !
Comment avez-vous accueilli les premières réactions du public ?
La première projection s’est
déroulée au festival d’Angoulême devant 1 050 spectateurs répartis dans 4
salles. À la fin, les gens se sont levés et m’ont dit combien ils avaient été
touchés. En tout, il y aura eu 45 avant-premières, festivals compris.
Pourquoi êtes-vous devenue comédienne ?
Je joue depuis l’âge de 7
ans pour me protéger. C’est aussi ce qui m’a permis d’échapper à l’emprise
sectaire. En revanche, je ne voulais pas jouer dans le film où il n’y avait pas
vraiment de rôle pour moi, mais dont chacune des cinq étapes successives a été
un véritable accouchement. Aujourd’hui, je ressens combien il sera difficile de
lâcher le film.
Quels sont vos projets ?
J’ai envie d’écrire une
comédie en poursuivant ma collaboration avec Mon Voisin Productions et Pyramide
Distribution, car ce sont des partenaires à la fois humains et exigeants. En
tant que comédienne, je tournerai en avril 2020 le premier film de Murielle
Magellan, La page blanche, qui
s’inspire d’une BD de Pénélope Bagieu. J’y aurai pour partenaires Sara
Giraudeau, Pierre Deladonchamps et Grégoire Ludig. Mais, en règle générale,
j’ai besoin de me recharger entre les films en reprenant contact avec le monde
réel pour arriver avec mon bagage.
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
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