Accéder au contenu principal

Marc Dugain : Des chiffres et des lettres

Marc Dugain ©DR



Révélé au cinéma en 2001 par l’adaptation qu’a réalisé François Dupeyron de son premier roman, La chambre des officiers (1998), Marc Dugain, né en 1957, et passé par l'entreprise (il a même dirigé une compagnie aérienne), est passé lui-même à la mise en scène avec Une exécution ordinaire (2010), tiré de la première partie de son roman éponyme. Il a enchaîné avec deux téléfilms : La bonté des femmes (2011), coréalisé avec Yves Angelo, et La malédiction d’Edgar (2013), tiré de son quatrième livre. L’auteur d’Ils vont tuer Robert Kennedy (2017) est revenu au grand écran en portant à l’écran un roman de Chantal Thomas, L’échange des princesses. Une réflexion historique et intimiste sur la raison d’état tournée en Belgique dont il est par ailleurs producteur. Avec en perspective un carnet de bal particulièrement bien rempli.


 

Pourquoi vous êtes-vous décidé à devenir producteur ?
Marc Dugain Parce que j’ai vécu de très bonnes expériences avec certains producteurs, comme Jean-Louis Livi que j’aime beaucoup, et d’autres que j’ai moins appréciées, mais ce n’est pas une question de personnes. Du coup, j’ai eu envie de devenir libre dans la façon dont on approche l’ambition au cinéma. Moi, je ne vis pas de ça et je ne voulais pas que l’ambition de gagner de l’argent sur un film fasse qu’il devienne impossible à monter. Or, je me suis rendu compte de la façon dont circule l’argent dans le cinéma français. Ce qui est clair, c’est que mes associés et moi avons consenti d’énormes efforts financiers personnels sur L’échange des princesses, mais je ne l’ai regretté à aucun moment. Aujourd’hui, j’appréhende la sortie avec énormément de flegme. Et puis, il y a ce que je fais, moi, mais j’avais envie que nous développions aussi ce qu’avait déjà fait Charles Gillibert avec Mustang et Patrick André dans l’univers de la publicité. Du coup, nous avons été très ambitieux tout de suite, en montant High Sea Production qui est à la fois une structure de production et de post-production. Nous nous sommes rencontrés et sommes devenus très copains à la suite d’un film d’art que j’ai tourné pour Patrick sur le sculpteur américain James Marrett, que nous avons monté aux Etats-Unis et que nous avons financé tous les deux. Comme quelqu’un lui avait proposé de me recruter comme scénariste pour un film qu’il voulait faire, il m’a dit qu’il n’avait pas très envie de travailler avec ce type-là mais qu’il souhaitait que nous collaborions ensemble. Tout cela s’est donc mis en place et nous sommes tous les trois très complémentaires. Charles est un producteur expérimenté malgré ses 40 ans, car il a une sacrée filmographie, et Patrick possède toujours une société de production de films publicitaires, Blue Paris. Notre idée était d’embaucher des jeunes et de développer des projets, sans qu’il s’agisse d’un plan argent. Nous avons commencé par prendre vingt-cinq pour cent du film de Jonas Cuaron Desierto et assurer la post-production de Mustang. Aujourd’hui, nous développons nos activités en film, en mini-série, en série et en documentaire.

Envisagez-vous différemment votre écriture en tant que romancier et que scénariste ?
M. D. Je n’ai pas du tout la même approche. Quand j’écris un livre situé à une certaine époque, j’oublie assez tôt les autres ouvrages concernant cette période, car je n’aime pas me faire influencer ou me disperser. Ce n’est pas du tout par orgueil. C’est juste pour garder ma propre maîtrise.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile sur L’échange des princesses ?
M. D. Son financement. Parce qu’il faut dire les choses telles qu’elles sont. Aujourd’hui, un film à costumes avec des enfants n’est pas la meilleure accroche qu’on puisse donner à des financiers. Après, c’est un pari et nous avons réussi à le relever, parce que nous étions trois et que nous étions assez forts et solides financièrement nous-mêmes pour ne pas avoir besoin de ce film pour vivre et que nous avions envie qu’il existe. Nous avons été bien suivis mais ça a été long et compliqué. Parce que non seulement les costumes renchérissent le coût d’un film, mais il n’y en avait plus en Europe car ils ont tous brûlé en Espagne. Il a donc fallu tout refaire, ce qui a tout de même représenté un septième du budget du film. Nous avons engagé un costumier italien qui s’est inspiré de tableaux pour faire tout fabriquer à la main en Espagne, en Italie et au Portugal. Par ailleurs, le plan de travail était particulièrement compliqué parce que nous avions plusieurs enfants et que nous ne pouvions pas les faire tourner plus d’un certain temps tous les jours. Tout s’est pourtant passé extrêmement facilement. Je garde un souvenir étonnant de ce film, hormis un drame qui a été la mort brutale du musicien Rafael Ibanez de Arrroyo, la veille de Noël 2016. Du coup, j’ai refait appel au compositeur de La malédiction d’Edgar, Marc Tomasi, qui a enregistré avec le London Symphony Orchestra et dont je n’aimerais plus me passer dans l’avenir.

De quelle façon gérez-vous vos multiples casquettes d’écrivain, de scénariste, de réalisateur et aujourd’hui de producteur?
M. D. J’ai l’habitude de l’écriture qui est un travail solitaire. Et même en travaillant avec Chantal Thomas sur l’adaptation de L’échange des princesses, nous avons fonctionné ainsi. J’écrivais tout seul, puis on discutait avec Chantal et je me remettais à écrire tout seul. Se mettre à deux dans une même pièce pour écrire, ça n’existe pas… en tout cas, pas pour moi. C’est Tintin fait du cinéma. Par la suite, ce sont mes associés qui ont réglé les problèmes financiers et, une fois le scénario terminé, j’ai été un peu sollicité pour auditionner devant des commissions qui ne nous ont généralement pas suivis, mais nous ne sommes pas découragés et je suis rentré en action quand nous nous sommes lancés dans la préparation du film.

Quel était votre budget ?
M. D. Sept millions d'euros, mais tout est à l’écran. Il n’y a pas un centime qui en soit sorti.

Avez-vous développé des partis-pris particuliers quant à l’esthétique du film ?
M. D. Contrairement à Stanley Kubrick qui a reconstitué à l’identique un tableau de William Hogarth dans Barry Lyndon, quand j’ai rencontré mon chef opérateur, Gilles Porte, il venait de travailler sur un film tiré d’un livre d’un de mes copains, Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie. Nous nous sommes vus à Bruxelles, sur le décor, et je lui ai montré d’abord Tree of Life de Terrence Malick, en lui demandant d’observer le traitement visuel de cette relation entre un père et un fils, car il y avait là quelque chose qui m’interpellait. Ensuite je lui ai montré plein de tableaux flamands et anglais, en lui expliquant que c’était un film sombre dans son propos et que je voulais une lumière éclatante mais contenue, avec une belle saturation des couleurs. Pas question de tirer vers les bleus et les verts, comme la mer de Barents. Je laisse ça aux polars scandinaves. L’échange des princesses est un film mélancolique dont la lumière ne devait pas être clinquante mais belle, avec une présence importante des visages, mais sans beaucoup de maquillage, car ça crée une distance dont je n’ai pas besoin. Je voulais tourner le plus souvent possible à travers le regard des enfants, souvent à deux caméras, l’une que je portais et Gilles Porte pour l’autre. Avec une prédilection pour les travellings arrière latéraux, car je trouve qu’ils expriment bien une situation. Par exemple, dans la première scène, qui est l’une de mes préférées, le fait d’être proche est mystérieux et ne se révèle en fait que quand on découvre vraiment le décor et que l’action y pénètre. J’aime bien ce mécanisme-là. Et puis, pour être tout à fait franc, quand on manque de temps, c’est très pratique. Il y a trois ou quatre travellings arrière latéraux dans le film et je les ai laissés tels quels au montage. Je voulais que ce soit solennel et aussi que ça stagne par moments, sans m’approcher des personnages. C’est pourquoi j’ai évité les plans caméra à l’épaule. Ce n’était pas particulièrement innovant.

Quelle est votre fonction sur un plateau de cinéma ?
M. D. J’aime tout dans le cinéma, mais j’ai une prédilection pour la direction d’acteurs. Sur le plateau, c’est ma responsabilité et là, je fais respecter l’ordre. Si les temps de répétition ne sont pas observés, si le calme n’est pas là, si la mise en scène est au profit de la technique plutôt que des acteurs, c’est le seul moment où je peux m’énerver. Un matin, je savais qu’on devait tourner un plan dont je n’avais pas envie, ce qui me donnait de l’avance, et l’équipe m’avait tellement embêté la veille en gênant les acteurs qu’au lieu d’aller tourner, je suis parti faire une balade en forêt, pendant qu’ils me cherchaient partout. En revenant, je leur ai dit : “ Vous voyez, la mise en scène, c’est ça et si je ne suis pas là, c’est la panique. Donc, maintenant, vous avez intérêt à respecter les acteurs et je veux des temps de répétition sur le plateau dans le silence, donc que la moitié de l’équipe sorte. ” Et, à partir de ce moment-là, la fin du tournage a été nickel.

Comment travaillez-vous avec les acteurs en amont du tournage ?
M. D. J’ai travaillé différemment avec et sans enfants. Le casting des enfants s’est déroulé très simplement. Alors qu’il y avait plusieurs dizaines de petites filles programmées, Juliane Lepoureau, la deuxième que j’ai vue, a été la bonne, donc ça a duré dix minutes. Igor van Dessel, je l’avais vu sur un tournage, je connaissais son travail et son visage, son jeu et son caractère me plaisaient, donc je l’ai choisi tout de suite. Kacey Mottet Klein avait déjà fait ses preuves avec Téchiné et il a un visage qui se transforme au point de prendre à la fin, une virilité qu’il n’a pas au début. Anamaria Vartolomei, c’est mon chef opérateur, Gilles Porte, qui la connaissait pour l’avoir croisée sur le tournage de L’idéal de Frédéric Beigbeder. Moi, je l’avais remarquée dans My Little Princess d’Eva Ionesco et je lui ai fait passer un petit essai. En ce qui concerne les adultes, mon agent a fait passer le scénario à Lambert Wilson qui a accepté dès le lendemain, comme Catherine Mouchet, Olivier Gourmet et Didier Sauvegrain. Par la suite, j’ai organisé des lectures avec eux. Pour les enfants, j’avais un répétiteur et j’ai fait les lectures devant lui en prenant les intonations et en lui expliquant ce que je voulais. Par la suite, il les a fait travailler dans ce sens-là et ils n’ont eu besoin le plus souvent que de deux ou trois prises. C’est aussi pour cela que nous avons réussi à tenir notre plan de travail de 37 jours qui constituait une grosse angoisse au départ, d’autant plus que j’ai fait une crise de paludisme, mais elle a commencé un soir alors que je venais de dire “Coupez !” et s’est achevée le lendemain matin après une nuit où j’ai atteint les 42 degrés de fièvre. À part ça, nous n’avons eu aucun pépin. Cela dit, j’avais déjà tourné La malédiction d’Edgar en 10 jours. Pour Une exécution ordinaire et La bonté des femmes, que j’ai coréalisé avec Yves Angelo pour la télévision, j’avais disposé de conditions normales.

Pourquoi avez-vous décidé d’adapter le roman de quelqu’un d’autre, en l’occurrence Chantal Thomas ?
M. D. Je rêverais de pouvoir adapter un roman de Philip K. Dick, par exemple. C’est un génie ! Mais, en France, c’est compliqué…

Que pouvez-vous dire de votre prochain film ?
M. D. Ce sera l’adaptation de mon roman Ils vont tuer Robert Kennedy qui se tournera au Canada en langue anglaise, sous bannière franco-canado-américaine. Ce que je redoute dans ce système, c’est que le réalisateur devient très vite un simple exécutant. J’ai deux autres idées en anglais et une qui peut être soit en anglais, soit en français. L’une d’elles est un film d’anticipation où rien n’est modifié en apparence, mais où l’on réalise que l’époque a changé. C’est une histoire dont j’ai fait un roman qui n’est pas encore sorti et que je me donne encore un an pour retravailler. Quand je l’ai fait lire à mes associés, ils m’ont dit : “ On tourne tout de suite ! ” Je leur ai dit que je n’étais pas assez connu pour pouvoir faire ça maintenant et qu’il fallait attendre de voir comment marche L’échange des princesses, enchaîner avec Ils vont tuer Robert Kennedy, puis une idée de pure comédie dramatique un peu violente et seulement ensuite aborder ce nouveau projet. Il faut y aller tout doucement.

N’y a-t-il pas un moment où vous aurez la tentation d’écrire le film avant le livre ?
M. D. Bizarrement, ce qui se passe n’est pas un processus très volontaire. Quand j’écris un livre, je ne pense pas au film et je discute avec mes associés à qui je n’ai pas l’habitude de montrer mes manuscrits. Parce que ça a été écrit pour la littérature et que je suis très méfiant à l’égard des adaptations, qu’il s’agisse de mes livres ou de ceux des autres. Il faut qu’il y ait un projet visuel qui permette de passer d’un art à un autre, qu’il s’agisse du jeu d’acteurs s’il y a un aspect très théâtral ou de créer un univers avec des plans larges magnifiques… Si cette ambition n’est pas là, ça ne m’intéresse pas de raconter la même histoire.

Est-ce que le fait de devenir metteur en scène a fait évoluer votre façon d’écrire ?
M. D. Je me méfie de cela, parce que je ne veux pas perdre l’écriture littéraire. Ce qui est amusant, c’est que sur l’adaptation d’Ils vont tuer Robert Kennedy, je travaille avec Romain Blondeau, un jeune sparring partner qui vient d’être engagé dans notre société, après avoir travaillé aux Inrocks et à Marie-Claire, pour superviser les écritures. Nous avions besoin d’avoir un regard de la jeune génération sur ce qu’on fait et quand je lui ai fait lire la dernière version de mon scénario, il m’a dit “ C’est bien ” et je lui ai répondu que “ non. La littérature est là, mais le cinéma n’y est pas encore. ” Le film n’est bon que parce que le livre est bon, mais il n’est pas bon en lui-même. Maintenant, dans les deux mois qui viennent, une fois que L’échange des princesses sera sorti, mon travail consistera à réinventer le monde de ce film. Mais si je n’y arrive pas, je le donnerai à quelqu’un d’autre.

Par combien de versions est passé le scénario de L’échange des princesses ?
M. D. Il y en a toujours au minimum six ou sept. La première me prend quinze jours, mais elle comprend déjà pratiquement toutes les scènes : c’est généralement le découpage du livre. C’est seulement après que commence le véritable travail d’écriture cinématographique. Celui-ci s’avère particulièrement intéressant sur Ils vont tuer Robert Kennedy, car il touche à la folie et il faut se mettre dans la tête de quelqu’un, ce qui est extrêmement cinématographique. Quand j’écris un roman, je commence par bloquer mon emploi du temps et ne prends plus de rendez-vous pendant plusieurs mois. Je me couche au plus tard à vingt-deux heures trente et je me lève au plus tard à 4h du matin. Et là j’écris, jusqu’à ce que ce soit fini, mais je ne me relis jamais. La structure est dans ma tête et il n’y a que quand elle est prête que je me mets à écrire sans plus m’arrêter. Pour écrire Ils vont tuer Robert Kennedy, j’ai mis à profit la défaillance d’un des producteurs de L’échange des princesses, du 1er décembre au 31 mai 2017, et mes partenaires m’ont rappelé le lendemain du jour où j’ai eu terminé pour me dire qu’on tournait. Et ce n’est que quand je suis revenu que j’ai relu ce roman que Gallimard avait d’ores et déjà planifié en septembre suivant. Là, j’ai eu une dizaine de jours de travail, mais le livre se tenait. Une fois que mon éditeur l’a eu lu à son tour, je l’ai retravaillé, mais il fallait pour cela qu’il soit totalement écrit.

Vous sentez-vous proche de certains autres écrivains devenus réalisateurs ?
M. D. Je ne viens pas de ce monde-là et je ne lui appartiens pas. Mon parcours est particulièrement atypique, car il n’y a pas beaucoup de présidents de compagnie aérienne qui soient devenus romanciers et qui aient marché. Je vis en province, dans un monde finalement assez clos, entre famille et amis, donc je fréquente peu de gens du milieu littéraire ou cinématographique, car je n’ai aucune ambition dans ce domaine : je ne convoite pas de prix, ne participe pratiquement jamais à aucun salon du livre et ne siège dans aucun jury, hormis celui du festival de Deauville, parce que le maire est l’un de mes plus vieux amis. Dans le cinéma, mes associés ne le seraient pas s’ils n’étaient pas de véritables potes en qui j’ai une confiance totale. Je ne fais les choses que parce que ça me plaît. J’adore écrire, j’adore scénariser et j’adore tourner. Il y a aussi un rapport au pouvoir dans l’art, mais je n’éprouve pas le besoin de juger le travail des autres. De même que je n’ai envie d’être reconnu ni comme un grand cinéaste, ni comme un grand écrivain. Après tout, La chambre des officiers figure au programme scolaire…

Comment conciliez-vous votre solitude d’écrivain avec le travail en équipe qu’implique le cinéma ?
M. D. J’adore les deux. J’aime bien passer trois mois à écrire dans mon coin, à ne voir personne d’autre que ma famille et à parler au téléphone avec des amis de temps en temps, et puis d’un seul coup me retrouver dans la frénésie d’un tournage. Tout a pourtant été faussé par l’expérience de mon premier film, Une exécution ordinaire, une expérience que j’ai très mal vécue, parce que ma fille aînée était très malade et que ma mère était mourante, chacune dans un hôpital différent. J’ai une totale amnésie de plein de choses de cette époque-là. J’ai toujours remarqué qu’il y a une anthropophagie des milieux, car j’ai des copains dans plein d’univers différents.

Avez-vous fait des rencontres importantes sur L’échange des princesses ?
M. D. Gilles Porte est un mec génial et un très bon chef opérateur qui possède un itinéraire singulier. Il a coréalisé Quand la mer monte avec Yolande Moreau, mais il reste très respectueux du travail des cinéastes avec lesquels il collabore en tant que chef opérateur, ce qui est aussi le cas d’Yves Angelo. Il n’y a rien qui se tourne sans que j’aie choisi la focale moi-même au viseur. Je regarde, on discute, on décide et c’est formidable. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a des gens dans l’équipe de L’échange des princesses avec lesquels j’ai envie de continuer à travailler…
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
en décembre 2017

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract