Yorgos Lanthimos © Haut et Court
Amateur d’uchronies cinématographiques, le cinéaste grec Yorgos Lanthimos est né en 1973. Auteur des courts métrages O viasmos tis hlois (1995), Despina Vandi : Deka Entoles (1997) et Uranisco Disco (2002), puis des longs My Best Friend (2001) et Kinetta (2005), il éclate vraiment sur le plan international avec Canine (2009), Prix de la jeunesse et Prix Un
Certain Regard au Festival de Cannes, Prix de la mise en scène à Dublin et doublement récompensé à Montréal et à Sitges, puis enchaîne avec Alps (2011), lauréat de l’Osella d’or du meilleur
scénario à Venise et du Prix spécial du jury à Sarasota, avec son compère Efthymis Filippou qui lui est resté fidèle pour The Lobster (2015), Prix du jury et Queer Palm à Cannes.
Dans quelles
conditions techniques et économiques The
Lobster a-t-il été réalisé ?
Yorgos Lanthimos The Lobster étant une coproduction européenne, son scénario a été
écrit à la fois à Londres, en Grande-Bretagne, et à Athènes, en Grèce. Le
tournage s’est déroulé en Irlande, le montage à Tinos et à Londres, le mixage
et l’étalonnage à Amsterdam, aux Pays-Bas.
Quelle est la principale difficulté que vous ayez rencontrée au cours de
cette aventure ?
Après avoir tourné mes trois premiers films en Grèce, le
fait de travailler dans un pays différent, dans un environnement
cinématographique à la fois plus codifié et plus structure a nécessité de ma
part une période d’acclimatation. Jusqu’à présent, j’avais été habitué à
travailler avec des moyens extrêmement réduits, essentiellement avec un groupe
d’amis et dans mon proper pays, ce qui me garantissait une grande flexibilité à
toutes les étapes de la fabrication du film. En revanche, nous disposions de resources
incroyablement limitées. Cette fois, le contexte était très différent, même si
le budget était encore assez bas par rapport à la moyenne, il était nettement
supérieur à celui de mes précédents films et me donnait la possibilité
d’affiner davantage certains détails selon mes envies. Le fait de travailler en
anglais m’a également permis de travailler avec des comédiens que j’admirais
depuis longtemps. Rien que ce détail s’est avéré très bénéfique pour le film. Cependant,
les différences de règlements, de lois et de pratiques par rapport à ceux
auxquels nous étions habitués et le fait de devoir travailler avec une équipe
technique que nous ne connaissions pas ont parfois ralenti un peu les choses,
les ont parfois rendues plus compliquées ou même, à certaines occasions, ont
engendré un résultat quelque peu différent de celui auquel nous nous attendions.
Quoi qu’il en soit, j’y ai surtout vu une progression par rapport à la façon
dont nous avions pris l’habitude de travailler jusqu’à présent.
Quel est le stade de la production qui vous tient le plus à cœur et
pourquoi ?
Il n’y a pas à proprement parler de moment que je préfère
par rapport aux autres. Je les trouve tous aussi atroces. Il n’y a que quelques
rares instants au cours de chaque étape où vous réalisez que vous avez
peut-être réussi à vous approcher au plus près de ce que vous espériez, voire,
encore plus rarement, où vous constatez que vous êtes parvenu à faire encore
mieux que ce que vous aviez imaginé. Mais ça ne dure généralement que quelques
secondes. C’est toutefois apparemment suffisant pour nous donner envie de
continuer et d’essayer de progresser encore la fois suivante.
Bande annonce de The Lobster (2015)
Croyez-vous que le numérique rende
véritablement plus facile la réalisation d’un film aujourd’hui que par le
passé ?
Le développement de la technologie numérique a rendu les
choses à la fois moins coûteuses, plus rapides et plus faciles dans certains
domaines, mais je ne considère pas que ce soit nécessairement quelque chose de
positif. Je trouve que la qualité générale, en ce qui concerne le grain de
l’image ou la profondeur de champ, n’a fait qu’empirer, à la fois sur le plan
de l’enregistrement et de la projectione. Le tournage en numérique nous a fait
perdre une part de la magie, ne serait-ce qu’en ce qui concerne la réflexion et
les précautions qu’on prenait quand on filmait ou qu’on montait en analogique,
ce qui conférait indéniablement un impact positif à l’ensemble du processus. Le
numérique permet de faire certaines choses plus facilement et évidemment de
façon plus économique, mais il faut prendre en compte à la fois la nature du
projet et la façon dont le réalisateur a l’habitude de travailler, pour être en
mesure de déterminer si la nouvelle technologie est véritablement un atout ou
pas.
Qu’espérez-vous de la
présentation de The Lobster au Festival de Cannes ?
Il est assez extraordinaire pour notre film de se
retrouver en compétition à Cannes. Personnellement, je ressens une joie immense
de côtoyer de grands réalisateurs et j’espère que cette distinction me
permettra de mener mes projets ultérieurs avec une confiance accrue.
Quels sont vos projets ?
Pour l’heure, je travaille sur un film d’époque qui se
déroule au cours du règne de la reine Anne d’Angleterre. Et j’écris simultanément
un nouveau scénario avec Efthimis Filippou : un thriller psychologique qui
comprend certains éléments surnaturels.
Propos recueillis
par
Jean-Philippe
Guerand
en mai 2015
Bande annonce de Canine (2009)
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