Tom McCarthy © Twentieth Century Fox
Lauréat
de deux prix au Festival de Sundance, de deux autres à San Sebastian, du Bafta du meilleur scénario et du Prix spécial du jury à Marrakech, The Station Agent (2003), le premier film de
Tom McCarthy, s’attache à quelques personnages en quête de hauteur dans une
bourgade reculée du New Jersey. Cet acteur américain né en 1966 et interprète d’une quarantaine de rôles a également réalisé The Visitor (2007), Grand Prix spécial au festival de Deauville, Les Winners (2011), couronné du Prix Humanitas, The Cobbler (2014) et Spotlight (2015), qui a obtenu deux récompenses à la Mostra de Venise, avant de triompher aux Spirit Awards et d'obtenir l'Oscar 2016 du meilleur film. Il a par ailleurs été nommé à l’Oscar pour avoir co-écrit le scénario original de Là-haut (2009) avec Pete Docter et Bob Peterson.
Trains
« Aux États-Unis, un grand nombre de
compagnies ferroviaires privées ont cessé leur activité et comme les gares ne
leur servent plus à rien, elles les revendent à des particuliers qui les
transforment en commerces, en magasins de souvenirs ou en bars. Dans le cas de
la gare que nous avons utilisée, mon frère habite dans les environs et j’avais
l’habitude de passer devant en allant chez lui. Or il se trouve que le
propriétaire était passionné par les trains et qu’il avait conservé sa gare à
l’identique, alors même qu’elle se trouve au milieu de nulle part. Pour moi, le
monde du rail dégage un parfum de romantisme qui n’est plus exploité dans le
cinéma américain d’aujourd’hui. Sans doute parce que les trains modernes sont
magnifiques mais hors de prix et que les distances qui séparent les villes
américaines sont telles que les gens préfèrent prendre l’avion. Quand j’ai
effectué la tournée de promotion de mon film à travers le pays, j’ai souvent
privilégié le train à l’avion, par goût personnel. Je regrette que cette
tradition se soit perdue. »
Scénario
« J’ai écrit avec les trois
interprètes principaux en tête. Je leur ai fait lire la première mouture, trois
ans avant le début du tournage. Ils ont ainsi pu suivre l’évolution du script
que j’ai affiné en fonction de leurs réactions. Par la suite, nous n’avons pas
eu le temps d’improviser quoi que ce soit. Quand on écrit un scénario original,
on doit avoir en tête ce que filmera la caméra. J’ai passé énormément de temps
sur les lieux du tournage pendant que j’écrivais le scénario, donc cet
environnement a pris une importance fondamentale, qu’il s’agisse de la boutique
de hot-dog, de la librairie municipale ou du café du coin où je me rendais
régulièrement. Au moment où nous avons tourné, j’avais trouvé quatre-vingt cinq
pour cent des lieux de tournage et les repérages se sont avérés inutiles. Nous
avons tourné une ou deux scènes que j’ai abandonnées au montage, mais le film
est globalement le reflet du scénario et j’en suis fier. Il existe une fin
alternative légèrement différente qui figurera en bonus sur le DVD. »
Acteur
« Après la présentation de The Station Agent au Festival de
Sundance, en janvier dernier, j’ai joué dans une grosse production Disney avec
Matthew Broderick intitulée The Last Shot.
Cette expérience m’a beaucoup plu car c’était comme apprendre une langue
étrangère. Aujourd’hui, aussi bizarre que cela puisse paraître, je me sens
autant acteur que réalisateur. Il ne faut pas se laisser enfermer dans un
moule. En revanche, je n’ai pas la moindre envie de jouer dans mes propres
films. La mise en scène nécessite trop de concentration et d’efforts. Pour
jouer, il faut se sentir libre. »
Liberté
« Je ne sais pas encore ce que sera
mon deuxième film, mais je ne mettrai pas trois ans pour le monter, car c’est
le financement qui prend le plus de temps et cette fois, les choses devraient
être plus faciles. On m’a proposé beaucoup de sujets depuis The Station Agent, mais aucun d’eux ne
m’a plu. Il faut que je me sente impliqué personnellement pour avoir envie de
tourner un film. J’ai envie de réaliser des comédies humaines, des films
intimistes sur les gens et les relations qu’ils entretiennent, avec de l’humour
et si possible des personnages plutôt marginaux. Et si je dispose de plus
d’argent, j’en profiterai pour prendre davantage mon temps, ce qui impliquera
également des contraintes accrues. Avec The
Station Agent, j’ai réussi à conserver ma liberté artistique et j’ai bien
l’intention de continuer, en travaillant avec les gens qui me plaisent et qui
partagent la même vision du cinéma que moi. Mais, pour moi, tout part de
l’histoire. »
Influences
« J’apprécie les réalisateurs qui
traitent des choses de la vie dans un espace limité et à une échelle intimiste.
Il s’agit essentiellement de cinéastes européens, notamment ceux de la Nouvelle
Vague, à commencer par François Truffaut qui nourrissait ses films de moments
volés. L’important n’était pas nécessairement de raconter une histoire
directement, mais plutôt de procéder à des collages, ce qu’a fait
merveilleusement Jean-Luc Godard, et de créer une atmosphère. Louis Malle et
Eric Rohmer laissaient l’intrigue se développer d’une manière très organique,
sans être tributaires d’une structure classique avec un début, un milieu et une
fin. De nombreux cinéastes américains indépendants ont subi cette influence, de
Jim Jarmusch à John Sayles. Mais John Ford appréciait déjà les marginaux… et
les chemins de fer ! »
Propos
recueillis par
Jean-Philippe
Guerand
en
décembre 2003
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