Siegrid Alnoy © DR
La cinéaste Siegrid Alnoy est surtout connue pour Elle est des nôtres (2003), film sur le monde du travail qui frise parfois avec l’absurde et le fantastique qui a valu à son interprète fétiche, Sasha Andres, le Prix Lumière du meilleur espoir féminin. Ce film présenté à Cannes dans le cadre de la Semaine de la critique a par ailleurs été précédé d’un moyen métrage, Le contre-ciel (1996), d’un court, Notre amnésie (2001), et a été suivi de deux réalisations pour le petit écran : Nos familles (2007) et Miroir mon amour (2012). Sa réalisatrice a pu être entraperçue comme interprète dans L’astragale de Brigitte Sy et La belle saison (2015) de Catherine Corsini.
Vous êtes née à Rochefort, comme de célèbres demoiselles…
Siegrid Alnoy C’est vrai que suis
Charentaise et que mon père a prêté les voitures de collection qu’on voit dans Les demoiselles de Rochefort, mais
c’était avant ma naissance et même avant qu’il ne rencontre ma mère. Mon
grand-père était quant à lui un républicain espagnol ami de Luis Bunuel. Ce qui
est bizarre, c’est qu’un jour, quand j’étais en cinquième, ma prof d’espagnol
m’a offert ses mémoires, “Mon dernier soupir”, en me disant qu’il fallait que
je devienne cinéaste.
Comment êtes-vous arrivée à ce métier ?
J’ai fait quatorze ans
de danse classique. Et puis, à vingt ans, je me suis orientée vers les
mathématiques que je considère comme de la pure poésie. Sans mon goût pour les
lignes, je crois que je serais devenue mystique [rires]. Mais je compte rester sur terre. Par la suite, j’ai
commencé une thèse à la Sorbonne sur “La notion de premier film en Europe” que
je n’ai jamais terminée. Mon désir de cinéma ne vient pas du cinéma mais de la
littérature. Pourtant j’ai commencé à lire tardivement, à quinze ans, avec L’amant de Marguerite Duras.
Quels sont vos goûts cinématographiques ?
J’aime certains films
davantage que l’œuvre intégrale de certains cinéastes. Je peux ainsi citer Le miroir d’Andreï Tarkovski ou M le maudit de Fritz Lang, parce que
c’est une machine qui implique le spectateur sans nécessairement le concerner.
Bande annonce d’Elle est des nôtres (2003)
Quel parti-pris avez-vous adopté pour réaliser Elle est des nôtres ?
J’ai
considéré les regards comme autant d’éclairages sur le monde. À partir d’un
scénario très architecturé, j’ai procédé à un travail préalable à la table avec
les comédiens, comme au théâtre, en privilégiant systématiquement le texte, la situation
et l’enjeu. Pour moi, ce sont les mots qui produisent les personnages, en aucun
cas l’inverse, mais les gestes leur appartiennent. Il est hors de question de
les voler. Je préfère recevoir.
Quel genre de metteur en scène êtes-vous ?
Je suis dure donc
généreuse.
Quels sont vos projets ?
J’aimerais adapter Maison d’arrêt d’Edward Bond qui tourne
autour du même sujet : la justice. C’est un projet que j’ai depuis
longtemps mais si je l’avais fait avant, je crois que je l’aurais trahi. En
tout cas, la mise en scène doit être un faire-valoir pour le texte. Pas le
contraire, comme dans En jouant Dans la
compagnie des hommes d’Arnaud Desplechin que j’ai découvert à Cannes.
Propos
recueillis par
Jean-Philippe
Guerand
en
mai 2003
Bande annonce de Miroir mon amour (2012)
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