Rithy Panh © Jean-Philippe Guerand
Né en 1964, le cinéaste cambodgien Rithy Panh s’est fait remarquer dès son premier long métrage, Les gens de la rizière (1994), une incursion dans la fiction suivie d’Un soir après la guerre (1998), Que la barque se brise, que la jonque s’entrouvre (2001), Un barrage contre le Pacifique (2008), d’après le roman de Marguerite Duras, et Gibier d’élevage (2011). Il s'est imposé simultanément en tant que documentariste et a ajouté avec L’image manquante (2013), Prix Un Certain Regard au Festival de Cannes, un nouveau chapitre à un ensemble mémoriel monumental dédié au génocide de deux millions de personnes dont a été victime son
peuple entre 1975 et 1979. Ce réalisateur hanté par la résilience a déjà consacré à ce thème plusieurs longs métrages parmi lesquels La terre des âmes errantes (2000), Prix du Cinéma du réel, S-21, la machine de mort Khmère rouge (2003), Prix François Chalais à Cannes et Prix Albert Londres, Les artistes du Théâtre Brûlé (2005), Le papier ne peut pas envelopper la braise (2007), Fipa d’or à Biarritz, et Duch, le maître des forges de l’enfer (2011), nommé au César du
meilleur documentaire. “L’image manquante”, c’est celle du propre
père du cinéaste, martyr du régime, qu’il a découverte en visionnant des
archives et qui lui a donné envie de raviver son souvenir, trente ans après sa
mort, en reconstituant à l’aide de figurines sculptées des scènes de la vie quotidienne dont il n’existe aucune trace filmée, les bourreaux ayant veillé à effacer les traces de leurs crimes, comme les Jeunes Turcs celles du génocide arménien et les Nazis celles de la Shoah.
Dans quelles circonstances L’image
manquante a-t-il été tourné ?
Rithy Panh Le film est une coproduction entre la France et le Cambodge, avec le soutien de Media, Arte, le CNC, La Région Île-de-France, la Procirep et l’Angoa.
Comment avez-vous trouvé la forme de L’image manquante ?
Rithy Panh Le film est une coproduction entre la France et le Cambodge, avec le soutien de Media, Arte, le CNC, La Région Île-de-France, la Procirep et l’Angoa.
Comment avez-vous trouvé la forme de L’image manquante ?
J’ai commencé à travailler sur ce projet début 2012. Avant même de me lancer dans l’écriture et les repérages, je me suis documenté sur le fonctionnement du cerveau et j’ai étudié la cartographie de l’acupuncture chinoise qui sert en réflexologie. J’ai toujours besoin de fureter, pour commettre des erreurs et trouver la forme la mieux adaptée à ce que j’ai envie de raconter, en l’occurrence ici du point de vue de l’enfant que j’ai été. À l’origine, d’ailleurs, mon personnage discutait avec un chat, un peu comme chez Chris Marker à qui je voue une grande admiration.
Pourquoi avez-vous utilisé des figurines pour évoquer la vie quotidienne sous le régime des Khmers Rouges ?
C’était un moyen de reconstituer ces images manquantes dont il n’existe aucune trace filmée, car dans la culture cambodgienne, les statues aussi ont une âme. Le sculpteur est un menuisier que j’ai sollicité pendant huit mois et à qui j’ai raconté cette histoire dont il ignorait à peu près tout, faute de bibliothèques et de cinémathèques, mais je ne voulais surtout pas que ces figurines soient animées.
Dans quelles circonstances l’écrivain Christophe Bataille a-t-il conçu le texte de la voix off ?
J’avais lu son premier livre, Annam, et je l’ai invité à venir passer deux semaines au Centre Bophana que j’ai initié où je lui ai montré des images et des choses, par petites touches.
Quelle est la principale difficulté que vous ayez rencontrée au cours de cette aventure ?
Harmoniser les financements entre la télévision et le cinéma, en essayant de faire évoluer la réglementation française.
Bande annonce de L’image manquante (2013)
Quelle conception vous faites-vous de votre métier ?
Être créatif et ne jamais abdiquer.
Quel est le stade de la réalisation qui vous tient le plus à cœur ?
Toutes les étapes sont essentielles.
Vous sentez-vous des affinités particulières avec certains de vos confrères ?
Oui, sans frontière avec les cinéastes
libres et inventifs.
Critique de L’image manquante © ESRA
Pensez-vous que la vulgarisation des nouvelles technologies soit de nature
à faire évoluer votre conception du cinéma ?
De nouveaux formats tels que les
webdocs offrent des possibilités passionnantes.
Quels sont vos projets ?
Cochinchine, un documentaire tiré du récit homonyme publié en 1926 par le journaliste Léon Werth, un anti-colonialiste de la première heure à qui son ami Antoine de Saint-Exupéry a dédié Le petit prince. Et puis L'eau rouge, une adaptation d’un roman
de Pascale Roze qui se déroule en 1954, pendant la guerre d'Indochine.
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
en mai 2013
Bande annonce de Duch, le maître des forges de l’enfer (2011)
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