Nahed El Sebaï © Jean-Philippe Guerand
Avant même la révolution de
la place Tahrir, l’Égypte avait déjà accompli un bout du chemin en
reconnaissant la notion de harcèlement sexuel, taboue dans la plupart des sociétés
orientales. Dans son premier film, Les
femmes du bus 678 (2010), Mohamed Diab dessine trois portraits de victimes sur
fond d’enquête policière. Il y a celle qui ne supporte plus la promiscuité
malsaine des transports en commun, la bourgeoise qui se refuse à son mari pour
qui elle n’est qu’un objet sexuel et la comédienne qui utilise son spectacle
afin de dénoncer publiquement ces pratiques archaïques. Ce dernier rôle est
illuminé par Nahed El Sebaï, également à l’affiche d’Après la
bataille (20012) de Yousry Nasrallah, le réalisateur qui l’avait révélée dans Femmes du Caire (2009). Cette comédienne née en 1987 dans une famille de cinéma illustre a débuté dans From an Eye Look (2004) d’Ihab Lamey, un film produit par sa mère, Nahed Farid Shawqi, avant de tourner la série historique Saraya Abdeen (2014) et la comédie dramatique Marriage : Impossible (2015) de Noor Arnaoot.
Harcèlement
« Quand Mohamed Diab m’a dit qu’il souhaitait consacrer un film à
l’affaire Noha Rushdi survenue en 2008, comme celle-ci refusait désormais de
répondre aux sollicitations médiatiques, j’ai visionné des vidéos la concernant
sur Youtube et j’ai lu sa biographie pour m’imprégner de sa personnalité.
L’agression dont elle a été victime l’a incitée à poursuivre le responsable en
justice et a suscité de violentes réactions. La plupart des hommes ne
réalisaient pas la gravité de son enjeu, mais cette affaire a joué un rôle
déterminant dans leur prise de conscience. En Égypte, certaines femmes sont
voilées, d’autres pas, mais elles ne peuvent pas se promener dans n’importe
quelle tenue. »
Révolution
« J’ai joué dans un
sketch du film collectif 18 jours réalisé
par une cinéaste que j’aime beaucoup, Kamla Abu Zekri. C’est d’ailleurs pour
rendre hommage au rôle joué par les femmes dans la révolution qu’on a entrepris
ce projet. Personnellement, je suis allé plusieurs fois place Tahrir pour
observer ce qui s’y passait et nourrir mon personnage. Participer à ce film
constituait déjà un acte politique en soi. Beaucoup de comédiens égyptiens ont
soutenu cet élan populaire et Mohamed Diab lui-même s’est engagé bien au-delà
de son film. La révolution a aussi permis au public de découvrir un cinéma
indépendant, jusqu’alors considéré comme marginal, et qui se caractérise
surtout par son réalisme. »
Famille
« Mon grand-père était
un acteur célèbre [Farid Shawqi], mais il est mort quand j’avais dix ans. Je l’admirais
beaucoup, mais il n’a évidemment pas pu m’aider dans ma carrière. Ma mère [Nahed Farid Shawqi] est
elle aussi très connue, mais en tant que productrice, et plusieurs autres
membres de ma famille exercent diverses fonctions dans le cinéma. Je rêvais de
devenir comédienne depuis l’âge de cinq ans et ma famille m’a encouragée. J’ai
été baignée dans cette ambiance, mais il n’était pas question que je pratique
ce métier sans prendre de cours. Je devais être à la hauteur de notre
réputation familiale » [rires].
Mentor
« C’est Yousry
Nasrallah qui m’a
révélée en tant qu’actrice dans Femmes du Caire et avec lequel je viens de tourner Après
la bataille. Nous entretenons des relations privilégiées et je lui demande
régulièrement des conseils. »
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
en mars 2012
Bande annonce d’Après la bataille de Yousry Nasrallah (2012)
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