Mike Leigh © Bac Films
Né en 1943, Mike Leigh est l’incarnation même d’un cinéma d’auteur britannique qui refuse de céder aux sirènes hollywoodiennes. Couronné de la Palme d’or à Cannes pour Secrets et mensonges (1996), ce réalisateur intègre nommé à sept reprises à l’Oscar et couronné de cinq Baftas, possède à son actif de nombreuses productions télévisuelles et une douzaine de longs métrages, les plus connus étant Bleak Moments (1971), Léopard d’or à Locarno, High Hopes (1988), Life is Sweet (1990), Naked (1993), Prix de la mise en scène à Cannes, Topsy-Turvy (1999), All or Nothing (2002), Vera Drake (2004), Lion d’or à la Mostra de Venise, Be Happy (2008), Another Year (2010) et Mr. Turner (2014), un Biopic qui a valu le Prix d’interprétation masculine à Cannes à son interprète fétiche, Timothy Spall. Au fil de sa carrière, Leigh a d’ailleurs valu d’innombrables trophées à ses comédiens à travers les festivals internationaux.
Dans quelles conditions Another
Year a-t-il été tourné ?
Mike Leigh C’est le film au plus petit budget que j’ai tourné depuis
longtemps : 4,8 millions de livres, comparé aux 6,3 millions de livres qu’avaient coûté Vera Drake et Be Happy.
Comme toujours dans mon cas, je n’ai pas eu à me préoccuper d’écrire et de
réécrire mon scénario… dans la mesure où je n’en ai jamais eu aucun. En
revanche, j’ai répété avec les acteurs pendant des mois, en l’occurrence quatre,
avant le début du tournage proprement dit qui a duré dix semaines suivies de trois mois de post-production.
Quelle
est la principale difficulté que vous ayez rencontrée au cours de cette
aventure ?
Le plus gros problème tenait
à notre budget particulièrement serré et au fait que nous avons tourné des
scènes censées se dérouler au cours des quatre saisons en l’espace de ces dix semaines, mais tourner, c’est aussi apprendre que tout est possible si les nécessités
l’exigent.
Comment
vous situez-vous par rapport au cinéma britannique contemporain ?
Je me considère chanceux de
pouvoir tourner des films aussi personnels que les miens. J’aimerais que
d’autres cinéastes britanniques puissent bénéficier d’une telle liberté,
surtout parmi la nouvelle génération.
De
quelle manière intégrez-vous les progrès technologiques dans votre démarche ?
Les possibilités liées au
numérique sont infinies et passionnantes. L’étalonnage de mes deux
derniers films a été à ce titre un véritable bonheur et je réfléchis maintenant
aux possibilités créatives que pourraient apporter les nouvelles technologies
au style de cinéma que je pratique.
Quels
sont vos projets ?
Je prépare une mise en scène
de théâtre et une production à gros budget sur le grand peintre
britannique William Turner.
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
en mai 2010
Comment Mr. Turner s’est-il
monté ?
Mike Leigh Mr. Turner a coûté 10,3 M€. Les recherches et la préparation ont duré plus de
trois ans, les répétitions 24 semaines, le tournage proprement dit 16 semaines
et la post-production 20 semaines. Il n’y a jamais eu de première mouture du
scénario, dans la mesure où il n’y a pas eu de script du tout, au sens
conventionnel du terme.
Quelle
est la principale difficulté que vous ayez dû affronter ?
Le problème principal était de faire un film historique à grand
spectacle et ambitieux sur le plan visuel avec un budget bien trop insuffisant.
Je crois que nous y sommes parvenus et que ces conditions nous ont appris -mais
ce n’est pas la première fois- à quel point les contingences économiques sont
de nature à stimuler l’imagination et la créativité.
Le statut d’auteur-réalisateur vous semble-t-il confortable ?
En tant qu’auteur et que réalisateur, j’ai le privilège de disposer
d’une liberté et d’un contrôle artistiques absolus, sans la moindre intervention extérieure, mais avec le soutien total d’une productrice impliquée et exceptionnelle, en la personne de Georgina Lowe, qui
me protège, et la confiance des investisseurs.
Quel
est le stade de la réalisation qui vous tient le plus à cœur ?
J’ai une prédilection pour le tournage, avec son esprit de camaraderie
et toutes les possibilités créatives qu’il offre, mais j’apprécie autant la
post-production, car c’est le moment où le film prend sa forme définitive. Mes
tournages sont toujours précédés par de longues périodes de répétitions, que
j’aime moins, car c’est le moment ingrat où l’on doit poser les fondations du
film en devenir.
Bande annonce de Mr. Turner (2014)
Vous
sentez-vous des affinités particulières avec certains cinéastes britanniques ?
Je n’aime pas particulièrement me comparer à mes camarades
réalisateurs, mais dans la mesure où ma façon d’écrire et de mettre en scène me positionne d’emblée en dehors du système britannique, je n’en ai pas vraiment
besoin. Rares sont les cinéastes de ma génération qui ont eu la chance de s’en
sortir, à l’exception notable de Ken Loach et Stephen Frears, évidemment.
Pensez-vous
que la vulgarisation des nouvelles technologies ait influé sur votre façon de filmer ?
Mr. Turner a été tourné à l’aide de la
caméra Alexa, autrement dit en numérique. C’est un nouvel outil formidable, au
même titre que les multiples techniques numériques sophistiquées auxquelles
nous avons eu recours au stade de la post-production de Mr. Turner, particulièrement lorsqu’il s’est agi de recréer l’esprit
des tableaux de J.M.W. Turner. Mais un outil reste un outil et ne peut se
substituer à celui qui l’utilise. Et un film est un film est un film…
Quelle
importance accordez-vous au festival de Cannes ?
Mr. Turner est le cinquième de mes
films à être présenté en compétition au festival de Cannes, et à chaque fois,
cette sélection s’est avérée très profitable quand il s’est agi de trouver du
soutien pour le projet suivant, tout particulièrement lorsque j’ai obtenu la
Palme d’or pour Secrets et mensonges.
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
en mai 2014
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