Kornél Mundruczó © Delphi Filmverleih
Inconditionnel de Robert Bresson, Rainer Werner Fassbinder et Tsai Ming-liang, le réalisateur hongrois Kornél
Mundruczó, né en 1975, est venu à Cannes dès 2003 avec son court métrage A 78-as szent Johannája, puis s’y est fait remarquer avec Johanna, sélectionné par Un Certain
Regard en 2005. Il a accédé à la compétition avec Delta, couronné du Prix de la Fipresci en 2008, puis y est revenu avec Un garçon fragile : le projet Frankenstein (2010). Mundruczó a débuté comme acteur, avant que son court métrage Jour après jour ne lui vaille en 2001 de
nombreuses récompenses dont deux au festival du film d’étudiant d’Oberhausen. Il s’est imposé définitivement
avec son premier long, Pleasant Days (2002),
couronné de plusieurs trophées parmi lesquelles le Léopard d’argent du
festival de Locarno. En 2014, White God lui a valu le Prix Un Certain Regard à Cannes.
Dans quelles conditions Un garçon fragile : le projet Frankenstein a-t-il été tourné ?
Kornél Mundruczó Le tournage s’est
déroulé en trois périodes distinctes de 2009-2010 pendant une durée totale de
quarante-et-un jours. Le film exigeait de tourner en plein hiver, c’esr
pourquoi nous avons dû scinder le tournage en trois parties. Nous étions par
ailleurs convaincus que cela pourrait avoir un bon impact sur le résultat final
de profiter de ces interruptions pour entreprendre le montage.
Quelle a été la principale difficulté que vous
ayez rencontré ?
Jouer
et mettre en scène en même temps n’est pas facile. Au début, j’ai sincèrement
essayé de tout contrôler en tant que réalisateur, mais ça rendait les choses
quasiment impossibles à maîtriser. Par la suite, j’ai compris qu’il suffisait
de dresser une séparation entre les deux fonctions et lorsque je devais
intervenir en tant qu’interprète, ce n’était pas moi qui me dirigeais. J’ai pu
ainsi jouer plus librement et ce n’est que dans la salle de montage que je me
suis trouvé confronté à moi-même.
Comment assumez-vous votre statut de réalisateur ?
Je me considère
avant tout comme un auteur-réalisateur. Bien que je suive et que je participe
aux réunions stratégiques avec Viktória Petrányi, qui est à la fois ma co-scénariste
et ma productrice, j’essaie d’éviter au maximum d’avoir les deux pieds dans le
même sabot.
Quel est le moment de la fabrication d’un film que
vous préférez ?
Sans
hésitation, il s’agit du tournage. C’est le moment le plus créatif, celui au
cours duquel les pensées prennent forme. Quoi qu’on écrive dans le scénario, il
n’y a qu’au moment du tournage qu’on pourra vérifier si ça fonctionne vraiment
comme on l’espérait. J’en apprécie chaque seconde, car il s’agit d’un intense
jeu de l’esprit.
Comment vous considérez-vous en tant que cinéaste
et entretenez-vous des affinités particulières avec certains de vos confrères?
J’aurais
bien dû mal à essayer de définir ma position au sein du cinéma hongrois. J’appartiens
à une nouvelle génération qui compte, mais qui n’est plus vraiment la plus
jeune et dont tous les membres possèdent leurs propres particularités. Elle ne
parle pas d’une seule voix, mais se compose d’un groupe d’individualités. Avec Un garçon fragile : le projet Frankenstein, j’ai essayé de suivre ce que
me dictait une voix intérieure et de laisser de côté toutes mes références. Bien
sûr, le film répond à mes codes esthétiques préférés, mais il ne s’inscrit par
pour autant dans la moindre tendance identifiée de ma génération. J’espère que
le public s’avèrera davantage en mesure de distinguer dans quelle voie je me
dirige. Ce qui est certain, c’est que mon souhait était de faire un pas dans sa
direction …
Quel est l’impact des nouvelles technologies sur
votre conception du cinéma ?
Pour ce
projet en particulier, j’ai tenu à rester fidèle à la technologie analogique,
que ce soit au stade du tournage ou de la post-production. J’ai utilisé des
objectifs anamorphiques et j’ai procédé à l’étalonnage de la façon la plus traditionnelle
qui soit. Je serais sincèrement navré que cette conception classique du cinéma soit condamnée à disparaître totalement pour des raisons purement économiques. Je m’efforce
d’explorer toutes les alternatives qui s’offrent à moi et de me remettre constamment
à niveau, mais je ne crois pas pour autant à une façon de filmer qui en viendrait
à reposer exclusivement sur les nouvelles technologies.
Travaillez-vous déjà sur un nouveau projet ?
Je
développe deux projets simultanément. Le premier est un drame d’époque qui
s’inspire d’une histoire authentique qui est arrivée à Léonard de Vinci et le
second est l’adaptation d’un célèbre roman de l’écrivain russe Vladimir Sorokine
intitulé La glace, qui constitue en
fait le premier volet d’une trilogie.
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
en mai 2010
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