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Juan Andrés Arango : Jusqu’au bout du monde


Juan Andrés Arango © DR

Le réalisateur colombien Juan Andrés Arango est né en 1976. Il possède à son actif un long métrage, La Playa (2012), primé au festival du cinéma latino de Lima et sélectionné à Cannes dans le cadre de la section Un Certain Regard. Il a également officié en tant que chef opérateur sur trois autres films : les documentaires Astro 12, the Collection (2010) et Esperanza P.Q. (2012), et le téléfilm Top 5 : Canada (2012).


Dans quelles conditions La Playa a-t-il été produit et tourné ?
Juan Andrés Arango La Playa a été tourné avec un budget modeste et une petite équipe technique. Notre objectif était de “passer inaperçu” dans les décors naturels de la ville de Bogota pour mettre à profit leur force visuelle et leur vitalité. L’équipe technique était composée de jeunes professionnels très passionnés par le projet et qui ont accepté de travailler dans des conditions de tournage assez extrêmes dans les rues des quartiers les plus dangereux de la ville. De plus, le casting du film est composé d’acteurs naturels, qui sont eux-mêmes de jeunes afrocolombiens provenant de la côte pacifique et dont le vécu ressemble à celui des personnages qu’ils incarnent.

Quelle est la principale difficulté que vous ayez rencontrée au cours de cette aventure ?
La principale difficulté a été de trouver le financement du film, vu qu’il s’agissait d’une opéra prima et d’un projet très risqué. D’après moi, pour pouvoir faire du cinéma en Amérique latine, il faut non seulement du talent mais également une bonne dose de persévérance. Heureusement, le Fond pour le développement cinématographique de la Colombie et le programme Ibermédia ont accepté d’investir dans le projet. Par la suite, grâce aux images du tournage, nous avons pu obtenir d’autres subventions pour la post-production, entre autres du Fonds Sud Cinéma (France) et du Fonds Hubert Bals (Pays-Bas).

Quelle conception vous faites vous de votre métier de réalisateur ?
Je pense qu’un film est une œuvre collective. Pour moi, le métier de réalisateur consiste à canaliser l’énergie de toute l’équipe qui participe au film afin que tous travaillent dans la même direction et que le projet bénéficie au maximum du talent artistique de chacun.

Quel est le stade de la réalisation qui vous tient le plus à cœur ?
Le tournage ! Sans aucun doute, c’est le stade le plus intense et gratifiant du processus. C’est le moment où toutes les images qu’on a dans la tête pendant des années prennent vie. C’est aussi l’étape la plus intense du travail d’équipe et j’adore ça.

Bande annonce de La Playa (2012)

Y’a-t-il un cinéaste qui vous ait plus particulièrement donné envie de faire du cinéma ?
J’adore les films de Naomi Kawase ; Shara en particulier m’a beaucoup inspiré avec son approche non explicative du deuil et de l’adolescence, et sa caméra organique et intuitive qui nous fait vivre le film du point de vue des protagonistes.

Comment vous situez-vous par rapport à la tradition cinématographique colombienne ?
L’histoire du cinéma en Colombie est plutôt éclectique. Il y a eu des périodes où l’on voyait très peu de production mais de temps à autres, un film remarquable sortait. J’admire particulièrement les premiers films de Victor Gaviria, spécialement Rodrigo D : No futuro. À partir du début des années 2000, grâce à la nouvelle “loi du cinéma”, qui prévoit qu’un pourcentage des recettes des billets des films projetés en Colombie soit réinvesti dans la production cinématographique nationale, l’industrie a connu un essor très important. Il y a présentement une nouvelle génération de cinéastes qui n’ont pas peur de se lancer dans des films risqués et qui parlent avec des voix multiples et des langages différents.

De quelle manière intégrez-vous les contingences techniques et technologiques dans votre démarche ?
La technique est pour moi un outil essentiel pour répondre aux besoins du film. Dans le style de films que je réalise, je recherche l’équipement technique le plus léger et polyvalent possible qui permet de ne pas trop modifier les conditions existantes des espaces où l’on tourne.

Qu’espérez-vous ou que redoutez-vous de votre sélection au Festival de Cannes ?
La sélection au Festival de Cannes représente une fenêtre idéale pour présenter mon premier film et j’espère que cela lui permettra par la suite d’être présenté dans plusieurs pays et contextes différents.

Quels sont vos projets ?
Je travaille actuellement à l’écriture du scénario de mon deuxième long métrage, intitulé X Quinientos, qui raconte l’histoire de trois personnages qui habitent respectivement au Mexique, en Colombie et au Canada. Je cherche à explorer comment une même idée peut prendre différentes formes dans trois vies et trois villes du continent américain.

Qu’attendez-vous de particulier du cinéma du futur ?
Je pense que le cinéma sera de plus en plus multiple et que de nouvelles formes de distribution telles qu’Internet nous permettront d’avoir davantage accès à ce qui se fait ailleurs.
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
en mai 2012

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