James Marsh © DR
James Marsh est né en 1963. Ce réalisateur anglais a la particularité d’alterner fictions et documentaires depuis ses débuts à la télévision, en 1990. On lui doit entre autres des œuvres aussi différentes que Wisconsin Death Trip (1999), The King (2005), Le funambule (2008), qui lui a valu l’Oscar du meilleur documentaire, un Independent Spirit Award et un Bafta, The Red Riding Hood Trilogy : 1980 (2009), Le projet Nim (2011), Prix de la mise en scène à Sundance et couronné par la Guilde des réalisateurs américains, Shadow Dancer (2012), qui a reçu le Hitchcock d’or et le Prix du public au festival de Dinard, et Une merveilleuse histoire du temps (2014), pour lequel il a notamment obtenu un Bafta et un David di Donatello.
Dans quel contexte The King a-t-il été produit ?
C’est une très
longue histoire. En bref, et de façon subjective, j’ai écrit le scénario avec
Milo Addica qui est également le producteur du film. La société britannique Film
Four a développé ce projet pendant un certain temps. Ce n’est qu’ensuite que
nous avons trouvé la structure idéale pour le produire, une société
new-yorkaise du nom de Contentfilm, qui est dirigée par Edward Pressman. Gael
Garcia Bernal a lu le script et nous a annoncé vouloir en tenir le rôle
principal. Content a fini par trouver le financement du film, mais seulement
après que nous ayons dû renoncer à notre première tentative pour le tourner. C'est pourquoi le film que nous avons fait n’est pas exactement celui que nous
avions envisagé de tourner à l’origine. C’est donc le film que nous avons
tourné à la place qui existe aujourd’hui.
Quelle a été la plus grosse difficulté
que vous ayez rencontrée en tournant The
King ?
Le seul
obstacle véritable que j’aie rencontré était le manque de temps dont nous avons
pâti au moment du tournage. En raison de notre budget particulièrement serré, nous
étions astreint à tourner dix à douze scènes par jour, et évidemment jamais
dans l’ordre chronologique des séquences, ce qui nous aurait permis de
respecter la logique de l’histoire. Cela a représenté un fardeau considérable
pour l’ensemble de l’équipe et tout particulièrement pour les comédiens. C’était
un véritable enfer pour eux et, au quotidien, c’était moi et mois seul qui
était considéré comme le responsable de leur tourment. Le planning était
impossible à respecter, ce qui nous a conduit à supprimer des plans du film
jour après jour, au point qu’à certains moments, ils disparaissaient d’eux-mêmes
parce que le soleil commençait à se coucher ou à se lever et qu’il devenait
vain de s’acharner à les tourner. Vous imaginez donc ce que nous avons dû
endurer.
Quelle conception vous faites-vous de
votre fonction de réalisateur ?
Je pense qu’il
existe deux catégories de cinéastes : les voyeurs et les exhibitionnistes.
Les voyeurs prennent du recul pour mieux observer leurs personnages, alors que
les exhibitionnistes se rapprochent de l’action afin de vivre littéralement au
milieu de leurs personnages. Il est probable que les meilleurs réalisateurs
sont ceux qui réussissent à combiner ces deux attitudes, mais pour ma part je
ne suis qu’un voyeur. Je n’aime pas expliquer aux gens ce qu’ils doivent faire.
Je préfère mettre mes collaborateurs dans les meilleures conditions possibles
afin qu’ils soient en mesure d’exprimer leur talent et leur jugement propres et
puissent ainsi juger du résultat en meilleure connaissance de cause. Tout cela
change encore dans la salle de montage, lorsque je deviens le plus manipulateur
et le plus impérieux des dictateurs, une fois confronté à l’ensemble du
matériel que j’ai amassé.
Quelle importance accordez-vous aux
contingences techniques et financières lorsque vous réalisez un film ?
Il suffit
désormais de disposer d’une caméra DV et d’un ordinateur portable pour pouvoir
réaliser un film. Si un projet doit se faire, il se fera. Ce qui est sûr, c’est
que certaines productions disposent de moyens financiers considérables, de ressources
techniques illimitées et d’immenses vedettes, mais ne possèdent aucune autre
raison d’exister. N’importe quelle production de film est conditionnée par des
contraintes financières et matérielles. L’important est d’être conscient de vos
limites et de vous entourer de gens qui ont autant envie que vous de faire le
film. Il n’existe pas de plus belle lumière que celle d’une aube ou d’un
crépuscule et ça ne coûte rien. Le visage d’un acteur peut s’avérer être le
décor le plus fort et le plus beau dont on puisse rêver.
Quel moment préférez-vous au cours de
la production d’un film ?
Le montage. C’est
à la fois le seul aspect de ce métier qui soit spécifique au cinéma et celui qui
vous offre la plus grande marge de contrôle.
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
en mai 2005
Commentaires
Enregistrer un commentaire