Jacky Pang © DR
Après avoir réalisé trois films entre 1993 et 1994, Jacky Pang Yee Wah est devenue la productrice attitrée de Wong Kar-wai, des
Cendres du temps (1994) à The Grandmaster (2013), en passant par Les anges déchus (1995), In the Mood for Love (2000) et My Blueberry Nights (2007). Cette femme de tête soutient par ailleurs les
efforts des jeunes réalisateurs hong-kongais dans le cadre de son association avec
Stanley Kwan et a initié des films comme Do si qing yuen (1994) de Jeffrey Lau, Dei ha tit (2003) de Joe Ma, Miao Miao (2007) de Cheng Hsiao-tse, Ni guang fei xiang (2012) et Gong Fan (2014) de Chang Jung-chi.
Dans quelles conditions a
été tourné My Blueberry Nights ?
Jacky Pang. L’idée de
ce film est née d’un court métrage que Wong Kar-wai a tourné il y a quelques années, et qui
était supposé faire partie d’In the Mood
for Love. My Blueberry Nights constitue, d’une certaine façon, une
relecture de cette histoire transposée dans un lieu différent et une langue
différente. En ce qui concerne Norah [Jones],
Wong Kar-wai a été frappé par la spontanéité et l’expressivité qui émanent de
sa voix dès qu’il a entendu sa musique pour la première fois. Il l’a trouvée
extrêmement cinématographique. Nous avons alors décidé d’organiser une
rencontre entre eux à New York au cours de laquelle Wong Kar-wai a expliqué son
idée à Norah et lui a projeté le court métrage. Elle a dit « c’est
cool » et l’affaire a été entendue. Ce film s’est littéralement monté du
jour au lendemain. Wong Kar-wai a recruté personnellement chacun de ses
interprètes et a conçu leurs personnages sur mesure. Le tournage a commencé
au lendemain du Festival de Cannes 2006 et nous avons passé l’été à tourner tout en
voyageant à travers les États-Unis.
Quelle est la principale
difficulté que vous ait posée ce film en tant que productrice ?
Le plus
difficile a été de s’adapter à la façon de tourner des Américains, notamment en
raison des innombrables réglements édictés par les syndicats. Mais j’ai pris ça comme un
défi et cette expérience s’est avérée merveilleuse grâce aux gens
formidables qu’elle nous a permis de rencontrer.
Quelle conception vous
faites-vous du métier de productrice ?
Produire n’est pas une tâche aisée lorsqu’on
travaille avec un metteur en scène tel que Wong Kar-wai. Mais c’est aussi
particulièrement excitant. Le défi consiste à se préparer très en amont aux
multiples options artistiques qui risquent de se présenter.
Bande annonce de My Blueberry Nights de Wong Kar-wai (2007)
Quel est l’aspect de votre
métier que vous préférez ?
J’apprécie
vraiment beaucoup la phase du tournage proprement dit, parce que c’est à ce
moment que les différents morceaux commencent à s’imbriquer les uns dans les
autres et que le concept se transforme enfin en images. Il est aussi très étonnant
de regarder Wong Kar-wai travailler avec les acteurs, puis de voir le film une
fois qu’il est terminé.
Quels sont vos
projets ?
Au cours
de ces dernières années, nous avons découvert de nombreux jeunes cinéastes de
talent à Taiwan et nous avons développé des projets avec eux. Stanley Kwan et
moi-même allons coproduire l’un d’eux : une histoire
d’amour située à Taipei dont le titre est Miao Miao et que réalisera Cheng Hsiao-tse. Le tournage est prévu pour l’été 2007.
Quelle importance
accordez-vous au Festival de Cannes ?
Cannes offre aux cinéastes une tribune internationale
qui leur permet de présenter leur œuvre au monde entier, ce qui est
particulièrement important pour les réalisateurs originaires de zones
géographiques où le potentiel de films est limité. En même temps, Cannes
est l’un des meilleurs endroits pour évaluer les réactions du public, car les
spectateurs ne craignent jamais d’y manifester leur opinion.
Quel autre métier
auriez-vous pu pratiquer si vous n’aviez pas travaillé dans le cinéma ?
Chaque projet correspond à un nouveau départ et implique de
nouvelles
variables, des gens nouveaux et des défis inédits. Du coup, il se passe chaque
jour quelque chose d’inédit dont il faut s’occuper et ce genre d’expérience
n’est jamais inutile. Je travaille dans ce métier depuis plus de dix ans et je
suis toujours aussi fascinée. Je me vois donc assez mal en pratiquer un autre..
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
en mai 2007
Bande annonce de The Grandmaster de Wong Kar-wai (2013)
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