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Hirokazu Kore-eda : Les femmes et les enfants d’abord

Hirokazu Kore-eda © DR

Hirokazu Kore-eda est né en 1962. Venu en compétition à Cannes avec Distance (2001), Nobody Knows (2004), qui y a obtenu le Prix d’interprétation masculine, Tel père, tel fils (2013), qui lui a valu le Prix du jury et une mention du Prix du jury œcuménique, et Notre petite sœur (2015), ce réalisateur nippon adepte d’un minimalisme pétri d’humanité a débuté en tant que documentariste avec Another Education (1991). Son film August Without Him (1994) a obtenu les plus hautes distinctions, mais l’a aussi incité à passer à la fiction. On lui doit en outre Maborosi (1995), lauréat de deux distinctions à la Mostra de Venise, l’Osella d’or du meilleur réalisateur et une mention du Prix de l’OCIC, et After Life (1998), Prix de la critique internationale à San Sebastian et Grand Prix du festival des Trois Continents de Nantes, et I Wish - nos vœux secrets (2011), Prix du meilleur scénario à San Sebastian.



Comment avez-vous vécu l’accueil chaleureux reçu par Nobody Knows lors de sa présentation en compétition au Festival de Cannes ?
Hirokazu Kore-eda Il m’a beaucoup touché, tout particulièrement pour les enfants qui jouent dans le film et dont c’est la première expérience cinématographique. Cette sélection dans le plus grand festival du monde représentait un risque, mais elle leur a aussi permis de réaliser que c’était la récompense de leurs efforts. En les impliquant dans cette aventure, je suis conscient d’assumer une responsabilité importante et nous sommes désormais liés, même si je ne sais pas si certains d’entre eux continueront dans ce métier.

De quelle manière les avez-vous dirigés ?
Nous avons tourné sur une période d’un an en usant d’une méthode influencée par mon expérience documentaire pour permettre aux enfants de s’accoutumer à l’ambiance d’un tournage. Nobody Knows est pourtant mon expérience la plus radicale à ce jour dans le domaine de la fiction. Les dialogues en étaient tous écrits et j’ai même story-boardé l’intégralité du film.

Comment vous situez-vous par rapport au cinéma japonais actuel ?
Il n’y a ni unité ni thèmes communs. Chacun se bat de son côté, alors que l’union pourrait faire la force. Récemment, j’ai produit deux premiers films dont Wild Berries de Miwa Nishikawa qui a remporté plus de prix qu’aucun de mes films n’en a jamais reçus. Désormais sa réalisatrice est reconnue et elle n’a plus besoin de moi. J’aimerais toutefois continuer à produire d’autres cinéastes.

Bande annonce de Nobody Knows (2004)

Comment voyez-vous l’avenir ?
J’ai huit projets de films en même temps. Au rythme où je tourne, je suis occupé jusqu’à l’âge de soixante ans. Alors j’aimerais passer d’un film tous les trois ans à deux tous les trois ans, mais développer des sujets originaux prend du temps et seul l’un d’entre eux est basé sur un livre.

Nobody Knows se retrouve en compétition avec des documentaires et des dessins animés. De quelle manière vivez-vous cette situation ?
Le Festival de Cannes n’est pas les Jeux Olympiques. Ce n’est pas un marathon et je n’ai pas le sentiment de participer à une course. Aux deux extrêmes, il y a cette année Shrek 2 et Fahrenheit 9/11 [qui obtiendra la Palme d’or], mais le cercle est particulièrement large, ce qui rend la compétition passionnante. Alors que tout classement est par essence arbitraire et contradictoire, cette diversité est un signe de maturité pour Cannes et la preuve que le festival reflète la réalité impure du cinéma d’aujourd’hui.
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
en mai 2004


Bande annonce de Notre petite sœur (2015)

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