Hany Abu-Assad © DR
Né en 1961 à Nazareth, Hany Abu-Assad est avec Elia Suleiman le cinéaste le plus célèbre issu de la communauté palestinienne. Nommé à deux reprises à l’Oscar du meilleur film étranger, il a notamment réalisé les documentaires Nazareth 2000 (2001) et Ford Transit (2003), Le mariage de Rana, un jour ordinaire à Jérusalem (2002), Antigone d’or des Rencontres de Montpellier, Paradise Now (2005), triplement primé à Berlin et lauréat du Golden Globe et de l’Independent Spirit Award du meilleur film étranger, The Courier (2012), Omar (2013), Prix spécial du jury Un Certain Regard à Cannes, et Ya Tayr El Tayer (2015).
Dans quelles conditions techniques et économiques Omar a-t-il pu être tourné ?
Hany Abu-Assad J’ai rédigé la première version du
scénario d’Omar en l’espace de quatre
semaines, en avril 2010. À cette époque, je devais tourner et monter un autre film. Du coup,
le projet est resté en suspens jusqu’à la fin 2011 quand j’ai entrepris d’en
réunir le financement avec Waleed Zuiater. En septembre 2012, le budget était
intégralement bouclé. Le film a été tourné en quarante jours d’octobre et novembre
2012, en Palestine. Nous avons alors procédé au montage de décembre à février
suivant, puis au mixage et à l’étalonnage en ligne en mars et avril derniers. Le
film est une production indépendante financée par des investisseurs
palestiniens, l’équipe étant également composée en grande majorité de
Palestiniens.
Quelle est la principale difficulté que vous ayez
rencontrée au cours de cette aventure ?
C’est le tournage proprement dit qui s’est avéré le plus
délicat, car je voulais donner une chance de travailler sur le film aux
Palestiniens et de poursuivre leurs aspirations. Comme je l’ai mentionné, les
postes clés étaient tenus par des Palestiniens, ce qui impliquait aussi, en
l’occurrence que c’était pour la plupart également la première fois qu’ils
occupaient ces fonctions. Le fait que plus de la moitié d’une équipe possède
une expérience limitée implique une grande désorganisation, ce qui a des
incidences sur ce qu’on peut faire ou ne pas faire. L’organisation est la pierre angulaire que doit relever
n’importe quel réalisateur. Je suis très content du film et du résultat de
notre travail, mais on me rappelait incessamment que je ne suis pas Superman.
Comment conciliez-vous vos responsabilités de producteur
et de réalisateur ?
Je suis réalisateur avant tout. Pour moi, la production
est juste un mal nécessaire.
Quel est le moment de la réalisation que vous préférez ?
J’ai toujours voué une prédilection au montage, car c’est
l’étape au cours de laquelle on peut véritablement mettre en forme l’histoire à
la fois sur le plan de sa construction et de ses détails les plus infimes. Il
est alors très facile de tenter des expériences et de procéder à des
modifications. C’est le stade lié à l’écriture proprement dite au cours duquel
j’apprends le plus de choses.
Bande annonce d’Omar (2013)
Quel regard portez-vous sur les autres cinéastes
palestiniens ?
Créer une industrie du cinéma en Palestine est une idée
formidable. Dans les faits, la plupart des gens qui travaillent dans le cinéma
en Palestine pratiquent essentiellement cette activité pour l’instant comme un
passe-temps, et je m’inclus parmi eux en tant que pionnier. Qu’importe la
génération à laquelle on appartient, un hobby reste un hobby.
Vous sentez-vous concerné par l’essor des nouvelles
technologies ?
Je ne suis pas vraiment concerné par les nouvelles
technologies et ça m’est bien égal. Je suis avant tout préoccupé par les
problèmes liés à la narration, les personnages, le contenu, la forme et le
langage du cinéma. La technologie n’est qu’un outil, le stylo que “j’utilise
pour m’exprimer”, pour tout dire.
Quel regard portez-vous sur le Festival de Cannes ?
J’attends de voir l’accueil que réservera Cannes à Omar pour pouvoir me prononcer en toute connaissance de cause. Après tout, j’ai obtenu un Golden Globe et une nomination à l’Oscar pour
Paradise Now. Pourtant, malgré ces
honneurs, je n’ai jamais eu autant de mal à monter un projet qu’après avoir reçu ces distinctions prestigieuses.
Sur quel projet travaillez-vous ?
J’ai plusieurs projets en cours, mais je les garde encore
tous secrets pour l’instant. Je peux juste dévoiler que j’aimerais beaucoup
collaborer avec Romain Duris et que je travaille actuellement à un projet qui
le concerne.
Propos recueillis
par
Jean-Philippe
Guerand
en mai 2013
Bande annonce de Paradise Now (2005)
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