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Hana Laszlo : Le choix des larmes

Hana Laszlo dans Anderswo d’Ester Amrami (2014) © DR

Prix d’interprétation à Cannes, Hana Laszlo a beaucoup fait rire avant d’exploser sur la scène internationale grâce à son interprétation éblouissante d’une chauffeuse de taxi dans Free Zone (2005) d’Amos Gitaï. cette comédienne israélienne née en 1953 avoue toutefois regretter de ne pas avoir pu partager cette récompense avec ses partenaires, la Palestinienne Hiam Abbas et l’Américaine Natalie Portman dans un consensus œcuménique. 


Hana Laszlo aime à se définir comme « une survivante ». Issue d’une famille de rescapés de la Shoah arrivée de Pologne en 1948, elle est née cinq ans plus tard sur la Terre Promise. Après avoir accompli ses débuts à l’écran dans des comédies israéliennes pour teenagers et des productions commerciales, elle s’impose comme une fantaisiste de premier plan, quelque part entre Josiane Balasko et Muriel Robin. Sa silhouette s’est alourdie, mais sa personnalité n’a rien perdu de sa pétulance. Elle a simplement été modelée au gré d’une existence qui l’a vu portée aux nues avant de connaître la cruelle traversée du désert qui menace toutes les comédiennes atteintes par la maturité. En prime, son mari la quitte et le producteur de son spectacle s’enfuit avec la caisse. Il lui faut trois longues années pour émerger de la dépression dans laquelle elle a sombré.
C’est après l’avoir vue dans un One-Woman Show où il est question de… l’Holocauste qu’Amos Gitaï lui propose trois jours de tournage dans Alila. Hana Laszlo hésite car il s’agit d’un second rôle et que le cinéaste traîne derrière lui une réputation sulfureuse en Israël. Mais, au cours des lectures préliminaires, il décide de fondre son personnage avec un autre dont l’interprète a dû déclarer forfait et elle passe finalement douze jours sur le plateau. Alors, quand il lui offre de conduire le taxi de Free Zone, elle fonce bille en tête. D’autant plus qu’il insiste pour que son personnage se prénomme comme elle. Hana Laszlo tient toutefois à souligner combien Amos Gitaï est imprévisible : « Avec lui, vous ne savez jamais si vous êtes dans le plan et s’il ne vous coupera pas au montage final. Du coup, ça vous pousse à donner le meilleur de vous-même. » Et la comédienne d’avouer que Gitaï a rogné peu de sa prestation dans Free Zone, mais qu’il lui a demandé de lui faire confiance et de réfréner son énergie comique tout en improvisant : « Il ne peut y avoir qu’un patron sur le plateau et c’est le réalisateur. » En l’occurrence, le tournage de seulement trois semaines épousant peu ou prou la chronologie du scénario et Gitaï filmant en plans séquences, Hana Laszlo peut donner libre cours à son penchant naturel pour l’improvisation.

Bande annonce de Free Zone (2005) d’Amos Gitaï

Naguère à l’affiche d’un classique du cinéma hébreu, L’unité Halfon ne répond plus (1976) d’Assi Dayan (le fils de Moshe), Hana Laszlo est réputée en Israël pour une liberté de ton qu’elle a toujours assumé et même souvent revendiqué. Au point que le Prix d’interprétation féminine qu’elle a remporté à Cannes pour Free Zone n’a pas accéléré pour autant la reconnaissance de son talent dramatique. Ses deux prestations sous la direction d’Amos Gitaï lui ont valu d’être nominée par l’Académie des César israélienne en 2003 et 2005… sans toutefois obtenir la reconnaissance de ses pairs qui persistent à ne voir en elle qu’une comique en goguette. Pas plus que pour son second rôle féminin dans Tam idan hatmimut (2013) de Vardit Bilu. Qu’importe, cette maîtresse femme se console allègrement en jouant à guichets fermés dans Le Revizor de Gogol pour deux cents représentations et anime désormais un talk-show télévisé aussi renommé dans son pays que celui d’Oprah Winfrey aux États-Unis. Côté cinéma, son trophée cannois ne provoque pas vraiment un tsunami. On la voit dans Les sept jours de Ronit et Shlomi Elkabetz et Adam ressuscité (2008) de Paul Schrader, Ultimatum (2009) d’Alain Tasma, Pourquoi tu pleures ? (2011) de Katia Lewkowicz et Anderswo (2014) d’Ester Amrami, pourtant primé à Berlin et Karlovy-Vary.
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand

en mai 2005


Bande annonce d’Alila d’Amos Gitaï (2003)

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