Haifaa Al-Mansour © Jean-Philippe Guerand
Née en 1974, Haifaa Al-Mansour est la réalisatrice du premier long métrage de fiction jamais tourné en Arabie Saoudite, Wadjda (2012), primé à la Mostra de Venise. Une charge symbolique qu’elle assume et qu’elle revendique d’autant plus qu’elle a contribué à faire évoluer les mentalités dans ce pays en suscitant la construction de la première salle de cinéma, après avoir réalisé un premier documentaire consacré à la condition féminine, Women Without Shadows (2009). Elle s’apprête aujourd’hui à tourner A Storm in the Stars (2016), un film à costume américain consacré à l’histoire d’amour à la suite de laquelle Mary Shelley a écrit son roman Frankenstein.
Wadjda a créé la sensation à la dernière Mostra de Venise où il a obtenu
trois prix. Comment trouvez-vous Cannes ?
Haifaa Al-Mansour On sent que le marché y est beaucoup plus important
et on n’y croise que des gens qui aiment sincèrement le cinéma. J’y étais déjà
venu en 2010, lorsqu’on cherchait à monter le financement de Wadjda.
Quelle a été la plus grande difficulté à laquelle vous ayez été
confrontée sur le tournage de Wadjda ?
Contrairement à ce qu’on
pourrait penser, ce ne sont pas les autorisations de tournage qui ont posé des
problèmes, mais l’absence totale de structures cinématographiques en Arabie
Saoudite où le cinéma n’existe pas en tant que profession.
Dans quelles circonstances avez-vous découvert le cinéma ?
Comme il n’y avait aucune
salle de cinéma dans le petit village où j’ai grandi, pas plus qu’ailleurs en
Arabie Saoudite, j’ai commencé par voir des films à la télévision et en vidéo.
Mais c’est sans doute paradoxalement le conservatisme dans lequel j’ai été
baignée qui m’a incitée à vouloir découvrir le monde à travers le cinéma. Mes
parents m’on beaucoup encouragée à me frotter à cette réalité, alors même
qu’elle ne les intéressait pas particulièrement.
Bande annonce de Wadjda (2012)
Comment peut-on amortir financièrement un film dans un pays où il n’existe aucun
réseau de salles ?
Le marché international
était crucial. C’est pour ça qu’en Arabie Saoudite, on ne tourne que des courts
métrages et des documentaires.
Le film sortira-t-il aux États-Unis ?
Sony Classics le distribuera
en août 2007, afin qu’il puisse concourir aux Oscars. Par ailleurs, j’ai
visité une grande partie de l’Europe pour le présenter.
Qu’est devenue la petite fille qui joue le rôle principal ?
Elle a reçu un prix
d’interprétation au festival de Dubaï. Elle a aujourd’hui douze ans et a envie
d’apprendre l’anglais, mais pour l’instant elle se débrouille mieux avec les
tablettes numériques [rires].
Y a-t-il des cinéastes que vous appréciez plus particulièrement ?
Spontanément, je citerai les
frères Coen, dont j’ai hâte de découvrir le nouveau film, et le réalisateur
iranien Jafar Panahi dont le regard sur les enfants me touche beaucoup.
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
en mai 2013
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