George Lazenby
dans Au service secret de sa majesté de Peter Hunt © DR
Le premier postulant à
la succession de Sean Connery n’a pas résisté à la pression des fans et est
reparti comme il était venu. Chronique d’un désastre annoncé.
Son nom est Lazenby. George Lazenby. Il n’a fait qu’un Bond et puis
s’en est allé. C’était en 1969. Il s’agissait de prendre la relève de Sean
Connery dans le rôle récurrent du fameux agent 007 imaginé par Ian Fleming. Né
en Australie au moment même où tonnaient en Europe les premiers coups de canon
de la Seconde Guerre mondiale, George Lazenby débarque en Angleterre en 1964
(la même année que son compatriote Pierce Brosnan, qui n’a alors que onze ans)
par amour pour une femme qui ne cèdera jamais à ses avances. Avec pour toute
fortune trois mille francs et un costume de rechange déchiré, il trouve un
emploi de vendeur de voitures dans un quartier chic de Londres. Remarqué par un
photographe qui lui demande de poser, Lazenby devient rapidement le mannequin
le mieux payé d’Europe et roule désormais en Aston Martin… comme James Bond.
C’est alors qu’un agent influent conseille à cet acteur de spots publicitaires
pour le chocolat de postuler au rôle de 007 laissé vacant par le retrait de son
interprète. Conscient de l’importance de l’enjeu, Lazenby se fait faire un
costume sur mesure chez le tailleur personnel de Sean Connery, s’offre une
Rolex et arbore la même coupe de cheveux que le personnage. Après avoir
convaincu le producteur Albert Broccoli (qu’il a abordé dans un salon de
coiffure) de le laisser auditionner pour le rôle, il est finalement préféré à
John Richardson, Anthony Rogers, Robert Campbell, Hans de Vries et quelque
quatre cents autres candidats au vu d’une séquence de bagarre.
Le tournage d’Au
service secret de sa majesté tourne vite au cauchemar : non seulement le scénario
fait mourir l’épouse de Bond alors qu’il vient juste de convoler mais les
tabloïdes anglais jettent de l’huile sur le feu en envenimant une situation
déjà tendue sur le plateau. Victime d’un ego démesuré, Lazenby réussit la
prouesse de se brouiller à la fois avec le réalisateur Peter Hunt et les
producteurs Saltzman et Broccoli. Quant à la James Bond Girl Diana Rigg,
remarquée dans la série Chapeau
melon et bottes de cuir, elle lui manifeste son antipathie en croquant consciencieusement dans une
gousse d’ail avant chacune de leurs scènes de baiser. Cette expérience
éprouvante se soldera par un échec au box-office malgré des critiques
élogieuses. Entre-temps, avant même la première projection du film, « mal
conseillé », de son propre aveu, Lazenby rompt le contrat qu’il avait
signé pour trois films et rend son rôle à Sean Connery qui incarnera une ultime
fois James Bond dans Les
diamants sont éternels, en 1971. De son côté, l’acteur australien voit sa carrière
cinématographique sombrer puis manquer de rebondir du côté de Hong Kong
lorsqu’on lui propose d’être le partenaire de Bruce Lee. Mais la mort
prématurée du champion d’arts martiaux met un terme définitif à ce projet.
Lazenby se partage entre la course automobile et la publicité, ne tournant plus
qu’en dilettante dans des séries B puis mettant sa carrière en sommeil afin de
se consacrer à son fils atteint d’un cancer.
Ironie du sort, vingt ans après avoir incarné James Bond, George
Lazenby lui adresse un clin d’œil appuyé dans un épisode de la série télévisée Alfred Hitchcock présente… intitulé… Les diamants ne sont pas éternels. À noter enfin qu’il a
également tenu le rôle de l’agent 007 en 1983 dans un épisode du Retour des agents très spéciaux, une série également
inspirée de l’œuvre de Ian Fleming. Outre des apparitions anecdotiques dans Hamburger film sandwich de John Landis et Jack le magnifique de Peter Bogdanovich,
Lazenby a joué les bellâtres vieillissants dans sept avatars besogneux de la
série érotique Emmanuelle au début des années 90, puis aligné Gut Feeling (1999), Four Dogs Playing Poker (2000) et quelques apparitions dans des séries comme… Alerte à Malibu, Le caméléon et Batman, la relève. Sans doute garde-t-il toujours en lui le sentiment amer d’être passé à côté de son destin de
star.
Jean-Philippe
Guerand
Bande annonce d’Au service secret de sa majesté de Peter Hunt (1969)
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