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Elad Keidan : À la croisée des destins

Elad Keidan © DR

Le réalisateur israélien Elad Keidan est né en 1979. Diplômé de l’école de cinéma Sam Spiegel de Jérusalem, il a réalisé deux courts métrages, L’hymne (2008), premier prix de la Cinéfondation au Festival de Cannes, et Vehu holech (2012), avant de signer son premier long avec L’esprit de l’escalier (2015), soutenu par la Fondation Gan pour le cinéma et présenté en sélection officielle à Cannes.


Dans quelles conditions techniques et économiques L’esprit de l’escalier a-t-il été réalisé ?
Elad Keidan L’esprit de l’escalier a été tourné en vingt-quatre jours, dans soixante-quinze décors différents et avec la participation de plus d’une centaine d’acteurs. Mais, contrairement à ce que pourraient laisser penser ces chiffres, c’est un film très personnel.

Quelle est la principale difficulté que vous ayez rencontrée au cours de cette aventure ?
Le défi principal résidait dans ma volonté de filmer un instantané de l’ensemble d’une montagne et de traduire l’esprit de toute une ville à travers une histoire qui met en scène deux personnes. J’ai appris, plus que jamais auparavant, que la profondeur et le temps figurent parmi les composantes les plus insaisissables et les plus puissantes du langage cinématographique.

Comment assumez-vous vos fonctions de producteur et de réalisateur?
Je ne suis capable de produire que les films des autres ou alors d’être épaulé par un producteur sur mes propres films. Produire et réaliser en même temps ne correspond probablement pas à ma personnalité. Il m’arrive parfois d’oublier quelque chose que j’avais pourtant l’intention d’arranger, alors même que quelqu’un d’autre a déjà répondu au téléphone !

Quel est le stade de la réalisation qui vous tient le plus à cœur et pourquoi ?
Le tournage. J’apprécie la valeur que représente le temps sur le plateau. Chaque minute signifie quelque chose et l’on savoure les coupures pour les mêmes raisons.

Extrait de L’esprit de l’escalier (2015)

Vous sentez-vous des affinités particulières avec d’autres cinéastes israéliens ?
Il y a de nombreux éléments qui rapprochent les cinéastes israéliens entre eux : les thématiques abordées, le style, le rythme de la narration, les efforts qu’ils font pour diversifier les sujets afin de représenter davantage les gens qui sont laissés dans l’ombre, le besoin d’exprimer des protestations politiques. Dans le même temps, je suis toujours surpris de la façon dont les cinéastes se distinguent les uns des autres. Ça rejoint très bien ma conviction profonde selon laquelle chaque individu est unique et devrait être considéré avant tout en tant que tel.

Que pensez-vous du numérique et croyez-vous qu’il rende véritablement plus facile la réalisation d’un film aujourd’hui que par le passé ?
Le numérique a contribué à rendre les choses plus faciles. C’est particulièrement flagrant si l’on considère Internet. De façon paradoxale, toutefois, la complexité liée à l’ère du numérique a pour conséquence d’accélérer le processus de création des films, comme c’est le cas sur Youtube ou, au contraire, de nécessiter davantage de temps, comme c’est le cas en ce qui concerne les longs métrages traditionnels. Il y a la fameuse anecdote d’Akira Kurosawa achevant Yojimbo et organisant la première du film seulement une semaine (!) après la fin du tournage. Il est difficile d’imaginer que cette époque puisse revenir un jour. Ou alors, c’est peut-être que cette histoire n’a toujours été qu’une légende.

Qu’attendez-vous de la présentation de L’esprit de l’escalier au Festival de Cannes ?
Je suis convaincu que cela aidera le film. Mais, en fin de compte, c’est surtout le scénario qui devra convaincre.

Quels sont vos projets ?
J’ai deux films en préparation. L’un d’eux tourne autour d’une famille nombreuse qui se recroqueville sur elle-même avant de voler en éclats. L’autre suit l’odyssée d’un fonctionnaire des services sociaux.
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand

en mai 2015

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