Edward R. Pressman © DR
Né en 1943, Edward R. Pressman compte parmi les plus grands producteurs américains de sa génération, comme l’atteste le Prix John Cassavetes qu’il a reçu en 1991 dans le cadre des Independent Spirit Awards. Compagnon de route du Nouvel Hollywood, à ses débuts, il possède à son actif plus de quatre-vingt films parmi lesquels Sœurs de sang (1973) et Phantom of the Paradise (1974) de Brian de Palma, La balade sauvage (1973) de Terrence Malick, Le mystère von Bülow de Barbet Schroeder (1990), Homicide (1991) de David Mamet, The Blackout (1997) et New Rose Hotel (1998) d’Abel Ferrara, American Psycho (2000) et The Moth Diaries (2011) de Mary Harron, Thank You for Smoking (2005) de Jason Reitman et The Man Who Knew Infinity (2015) de Matt Brown, ainsi que des coproductions européennes telles que Despair (1978) de Rainer Werner Fassbinder, Le bateau de Wolfgang Petersen (1981), Good Morning Babilonia (1987) des frères Taviani et L’invitée de l’hiver (1997) d’Alan Rickman. Il est également l'initiateur de franchises comme Conan, The Crow, Bad Lieutenant ou Wall Street dont il a accompagné la suite, Wall Street - L’argent ne dort jamais d’Oliver Stone, au Festival de Cannes 2010.
Dans quelles conditions a été tourné Wall Street -
L’argent ne dort jamais ?
Edward Pressman Ce film est l’aboutissement d’un processus long mais
très heureux sur le plan de la collaboration avec le scénariste Steven Schiff,
puis Allan Loeb. Allan possédait une expérience des milieux financiers et il a
adopté un point de vue qui nous a permis d’avoir une vision globale de ce qui
s’est passé à Wall Street et dans l’économie mondiale au cours de la dernière
année. C’est parce qu’il a été séduit par ce scénario qu’Oliver Stone a
consenti à s’impliquer dans ce projet en tant que réalisateur. Quand il a lu le
script concocté par Allan, il a compris à quel point le projet pouvait être à la fois
pertinent et excitant. Nous avons été ravis que Michael [Douglas] accepte de
reprendre son rôle de Gordon Gekko. Oliver est très pointilleux sur
l’authenticité. C’est pourquoi son équipe et lui ont commencé par enquêter sur
les établissements bancaires d’investissement, les hedge funds et ont tenu à
rencontrer certains des plus grands noms de la finance. Nous avons tourné dans divers décors
naturels new-yorkais, mais avons construit intégralement l’univers dans lequel
évolue le personnage de Bud Fox. Notre chef opérateur, Rodrigo Prieto, avait
déjà eu l’occasion de travailler avec Oliver sur Alexandre, ce qui a évidemment facilité leur collaboration. Ils
travaillent l’un comme l’autre en s’appuyant pour une bonne part sur
l’improvisation, ce qui a pour avantage d’apporter beaucoup de spontanéité et
de dynamisme. Oliver a fait appel à la costumière avec laquelle il avait
travaillé à l’époque de Wall Street, Ellen Mirojnick. Celle-ci a composé sa
garde-robe zen s’inspirant des costumes coûteux taillés sur mesure pour Gordon
Gekko après sa sortie de prison. La décoratrice Kristi Zea a pour sa part été
surprise de l’avancée technologique spectaculaire qu’ont connu les salles de
marché depuis le premier Wall Street.
Nous avons tourné dans le grand hall de l’ancien immeuble de Cunard la scène de
la soirée du gala de bienfaisance qui illustre ce que représente vraiment le
pouvoir de l’argent à Wall Street. Selon Zea, « Oliver voulait que ce gala
ressemble à la réception qui se déroule à bord du Titanic avant son
naufrage ». Le tournage proprement dit a duré cinquante-six jours.
Quelle est la principale difficulté que vous ayez
rencontrée au cours de cette aventure et quel enseignement éventuel en
avez-vous tiré ?
À notre grande surprise, nous avons collaboré plus
étroitement avec les boursiers et les banquiers qu’à l’époque du premier film.
Pour avoir été fans de Wall Street,
les vrais traders avaient très envie d’apparaître dans ce nouveau film et ils
étaient disposés à nous ouvrir les portes de leurs salles de marchés et de
leurs bureaux les week-ends, ce qui nous a permis de donner une crédibilité
accrue à l’environnement dans lequel nous tournions. Il y a tellement de
traders véritables qui nous ont proposé de participer au film que nous n’avons
pas pu leur donner satisfaction à tous, mais ce n’était qu’un moindre mal.
Quelle conception vous faites vous de votre métier de
producteur ?
Je suis excité à l’idée de faire des films depuis le
collège et c’est même la raison pour laquelle j’ai abandonné les études à la
London School of Economics. J’ai toujours rêvé de devenir producteur, de ceux
qui se frottent à des sujets ambitieux et qui soutiennent les artistes. Je n’ai
jamais eu la moindre velléité de devenir réalisateur.
Quel est le stade de la production qui vous tient le plus
à cœur et pourquoi ?
J’aime monter un film de toutes pièces, ce qui peut
prendre parfois des années, mais parfois seulement quelques mois. Le moment que
je préfère est celui à partir duquel la production est enfin lancée. J’adore
l’énergie et l’excitation qui accompagnent ce moment. Participer à un festival
comme Cannes nécessite une énergie du même ordre, tout particulièrement quand
vous découvrez pour la première fois les réactions du public et de la critique.
Comment vous situez-vous par rapport à la tradition
cinématographique de votre pays et à votre génération ?
Aux yeux du cinéma américain, je suis considéré comme un
producteur de cinéma indépendant dont les films sont distribués soit par des
studio soit par des indépendants. J’aspire surtout à ce que l’industrie du
cinéma américain voie en moi un producteur qui déniche et et soutient des
talents émergents, qu’il s’agisse de scénaristes, de réalisateurs ou de
comédiens. Les gens de ma génération savent que c’est moi qui ai produit La balade sauvage et Conan le barbare, les jeunes m’associent
plutôt à American Psycho, The Crow et
Thank You for Smoking.
De quelle manière intégrez-vous les nouvelles
technologies dans votre démarche et pensez-vous qu’elles soient de nature à
faire évoluer votre conception du cinéma ?
J’ai assisté à l’émergence et à la disparition de
nombreuses mutations au fil du temps et j’ai vu de jeunes cinéastes se frotter
à de multiples innovations, de la vidéo numérique à la 3D relief. Je suis
toujours intéressé par les perspectives qu’ouvrent les nouvelles technologies
et par la manière dont elles peuvent aider un cinéaste à exprimer son regard
pour un coût plus économique ou simplement rendre sa vision réalisable.
Cependant je crois que le cinéma reposera toujours d’abord sur le talent et la
façon de raconter des histoires.
Quelle importance accordez-vous au festival de Cannes ?
J’ai produit plusieurs films qui se sont retrouvés en
sélection à Cannes ; pour moi, y être invité est un grand honneur.
Présenter Wall Street
- L’argent ne dort jamais en
première mondiale à Cannes est particulièrement excitant, parce que cela
permet de montrer au monde en l’espace d’une ou deux séances un aperçu
saisissant du mode de fonctionnement des États-Unis d’aujourd’hui, sur le plan
de l’économie, de la façon de penser et de la moralité.
Quels sont vos projets ?
La réalisatrice d’American
Psycho, Mary Harron, va réunir Lily Cole et Scott Speedman dans un thriller
intitulé The Moth Diaries qui se tournera au cours de l’été 2010 à Montréal. D’autre part, le réalisateur britannique de Blade, Stephen Norrington, s’apprête à écrire et à réaliser une nouvelle version de The Crow [projet finalement ajourné à plusieurs reprises], d’après les différentes histoires racontées dans le roman
graphique de James O’Barr. Ma société fera équipe à cette occasion avec la
société Relativity Media pour mener à bien ce projet.
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
en mai 2010
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