Sébastien Lifshitz © DR
Lauréat du Prix Jean Vigo 1998 pour son premier film, Les corps ouverts, couronné du Prix Kodak du court métrage à
Cannes, Sébastien Lifshitz a également obtenu deux prix à Berlin pour Wild Side, en 2004. On lui doit également Presque rien (2000) et Plein Sud (2009). Après un premier
documentaire, La traversée, en 2001,
il a récidivé avec Les
invisibles (2012) qui a notamment obtenu un César et dans lequel il aborde
une fois de plus son sujet de prédilection, l’homosexualité, à travers les
témoignages d’hommes et de femmes nés pendant l’Entre-Deux-Guerres et
contraints de vivre leur “différence” dans un monde hostile. Il a persévéré par la suite avec Bambi (2013), qui a à nouveau été distingué à Berlin.
Dans quelles conditions Les invisibles a-t-il été produit et
tourné ?
Zadig Films a décidé de produire Les invisibles
dès notre premier rendez-vous. Bruno Nahon a eu une sorte de coup de foudre
pour la singularité du sujet. Le film a obtenu le soutien de l'avance sur
recettes, de la région Ile-de-France et de la région Rhône-Alpes, de la sofica
Cinemage 6 et l'appui dès le scénario du distributeur Ad Vitam. Sylicone a
aussi été d'un soutien formidable sur le film, tant techniquement que
financièrement.
Quelle est la principale difficulté que vous ayez rencontrée au cours de
cette aventure ?
Nous avons filmé dix portraits sur huit semaines. Nous sommes restés avec
chaque témoin trois à quatre jours. Cette durée était parfois difficile pour
laisser les choses venir naturellement devant la caméra. On y est heureusement
arrivé le plus souvent mais j'aurais aimé avoir plus de temps. C'est un classique.
Quelle conception vous faites vous de votre métier de réalisateur ?
Un documentaire vous rend doublement responsable de ce que vous filmez. Il
s'agit de “vraies personnes” qui vous confient leur vie. Vous devez être à la
hauteur de ce qu'ils vous donnent.
Quel est le stade de la réalisation qui vous tient le plus à cœur ?
L'écriture du scénario est le moment que je préfère car tout est encore
possible.
Y’a-t-il une personnalité en particulier qui vous ait plus particulièrement
donné envie de faire du cinéma ?
Beaucoup de films ont nourri mon enfance. J'étais particulièrement attiré
par les cinéastes des “grands récits” comme Hitchcock ou Lang. Plus tard, des
films plus introspectifs comme ceux de Bergman ou les films sentimentaux de
Truffaut m'ont beaucoup appris sur la vie.
Comment vous situez-vous par rapport aux autres cinéastes français de votre
génération ?
Je suis mon désir sans me poser la question d'une filiation. Disons que je
me vois plutôt comme un cinéaste marginal, si ce mot veut encore dire quelque
chose !
De quelle manière intégrez-vous les contingences techniques et
technologiques dans votre démarche ?
J'aime la pellicule, la sensibilité de l'argentique, son grain. Mais
c'était impossible de l'envisager pour ce documentaire. J'ai donc tourné pour
la première fois avec une caméra HD, inquiet de l'impact que cela aurait sur la
texture de l'image et la restitution des hautes lumières. D'un autre côté, ça
m'a aussi donné une liberté sur la conduite des entretiens qui pouvaient
s'étaler sur une longue durée sans interruption, ce qui était fondamental dans
le cas de ce film.
Quels sont vos projets ?
Je prépare un nouveau documentaire dont je vais débuter le tournage en
juillet. Et je vais commencer à écrire en parallèle un scénario de fiction.
Comment imaginez-vous le cinéma du futur et en attendez-vous quelque chose
de particulier, à la fois en tant que professionnel et que spectateur ?
La révolution numérique a transformé le paysage. Déjà, beaucoup de choses
ont changé. Le cinéma est une industrie, je me demande si nos partenaires
d'aujourd'hui seront ceux de demain ?
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
en mai 2012
Bande annonce de Bambi (2013)
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