Rintaro © DR
Pour les Occidentaux,
Metropolis est le titre d’un chef d’œuvre prophétique du cinéma
muet réalisé par Fritz Lang en 1927. Pour les Japonais,
Metropolis évoque surtout un manga légendaire d’Osamu Tezuka,
lui-même librement inspiré du chef d’œuvre expressionniste allemand. Il aura fallu près de quarante ans au
réalisateur Rintaro (de son vrai nom Shigeyuki Hayashi) pour porter enfin à l’écran cette bande dessinée légendaire
avec l’aide du non moins fameux auteur d’Akira (1988), Katsuhiro Ôtomo. Metropolis (2001) est une nouvelle preuve magistrale de
l’incroyable bouillonnement créatif qui agitait le petit monde du cinéma
d’animation japonais en ce début de millénaire où l’Empire du Soleil levant
devait faire face à des démons économiques qui n’étaient pas sans rappeler ceux de
l’Allemagne des années vingt. Né en 1941, Rintaro est l’auteur de la série télévisée mythique Albator (1978-1979), mais aussi de Galaxy Express 999 (1979), L’épée de Kamui (1985), Le retour du roi Léo (1989), X (1996) et Yona, la légende de l’oiseau-sans-aile (2008). Concernant Metropolis, il balaie toutefois la moindre velléité de
comparaison entre le film de Lang et le sien, en déclarant que « ce sont
deux œuvres qui ont le même titre, mais qui sont totalement différentes ».
Qu’est-ce qui vous a
donné envie de porter à l’écran Metropolis ?
Rintaro.-
Lorsque j’étais enfant, j’étais fou des romans et des bandes dessinées de
science-fiction et j’ai voulu assouvir cette passion à travers ce film. C’est sans
doute ce qui a déterminé l’origine du projet. Il est vrai que le culte du
progrès est un thème souvent traité dans le roman et la bande dessinée.
Vous avez voulu adapter
Metropolis dès le milieu des années 60. Vous souvenez-vous
de ce que vous avait dit le dessinateur Osamu Tezuka la première fois que vous
lui en avez parlé et pensez-vous avoir réalisé un film conforme à celui dont il
rêvait ?
Il
m’a dit « Ce n’est pas bon.
Vous n’aurez aucun succès. » … et il a rejeté mon projet !
Aujourd’hui, je préfère laisser les spectateurs juger eux-mêmes du résultat. Tout ce que
je sais, c’est qu’en ce qui me concerne, je me suis impliqué à fond dans ce
projet. Jusqu’à la réalisation de ce film, à peine avais-je terminé un long
métrage, que je pensais déjà au suivant. Cette fois-ci, l’expérience a été
différente. Je me suis vraiment consacré intégralement à ce projet, ce qui
s’est révélé un travail passionnant.
En quoi les progrès de
la technique et l’engouement actuel pour le cinéma d’animation ont-ils fait
évoluer votre projet initial ?
Si j’avais réalisé
cette adaptation il y a trente-cinq ans, le film aurait sans doute été
intéressant, mais son contenu aurait été totalement différent. Et puis, à
l’époque, Metropolis n’aurait sans doute pas pu être distribué
dans le monde entier, donc l’engouement actuel dont bénéficie le cinéma
d’animation a sûrement contribué au succès du film.
Bande annonce du Metropolis de Rintaro (2001)
Quel est le parti pris
visuel dont vous êtes parti pour réaliser ce film et de quelle manière s’est
déroulée votre collaboration avec Katsuhiro Otomo au stade de l’écriture ?
Grâce
à la technique de la 3D, j’ai réussi à accorder une grande importance aux
images des immeubles. J’ai montré le monde extérieur à travers des images
réalisées par ordinateur et le monde souterrain grâce la technique traditionnelle
du cellulo. Par ailleurs, j’ai incrusté quelques personnages de Tezuka dans mes
images numérisées, afin d’établir ainsi une nouvelle relation insolite entre
ces deux mondes. J’ai travaillé en relation étroite avec Otomo et il a
construit le scénario peu à peu, suite aux nombreuses discussions que nous
avons eues à propos de son orientation.
Quelle a été la plus
grosse difficulté à laquelle vous ayez dû faire face ?
C’était
la première fois que notre studio d’animation, Mad House, utilisait la
technique numérique et nous avons eu beaucoup de mal à obtenir des résultats
qui nous satisfassent.
Quel regard
portez-vous sur l’essor des nouvelles technologies numériques dans le cinéma
d’animation et quel traitement technique avez-vous apporté aux images ?
Il y a une limite à la
technique numérique 3D appliquée au dessin animé. Bien sûr, elle sera
dorénavant de plus en plus utilisée, mais comme elle me paraît avoir déjà
atteint son sommet, elle dépend plus que jamais du concept du projet et de
l’utilisation des images. C’est un peu comme si l’on devait se mettre en devoir
de dompter un cheval sauvage. Le plus difficile sur le plan technique est de
faire coexister la 2D et la 3D. Comme je n’ai pas de prédilection particulière
pour les images en 3D, je me suis donné beaucoup de mal pour essayer d’obtenir des
images qui soient proches de l’animation traditionnelle. Nous avons consacré
énormément de temps à retoucher les images réalisées en 3D pour retrouver la
fraîcheur des images dessinées à la main.
Quels sont vos
projets ?
Je
suis en train de travailler à une nouvelle série d’animation inspirée de Capitaine
Albator pour la télévision.
Quelle différence
voyez-vous entre la télévision et le cinéma ?
Au
cinéma, il y a un grand écran, donc un seul plan se doit de contenir de
nombreuses informations. En revanche, à la télévision, il est de règle que le
plan contienne très peu d’informations. Donc la quantité de travail que suppose
un projet cinématographique est bien supérieure à celle que nécessite un projet
télévisuel. Mais chaque œuvre reste unique.
Propos
recueillis par
Jean-Philippe
Guerand
en
mai 2002
Bande annonce du Metropolis de Fritz Lang (1927)
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