Philippe Lacôte © DR
Comment avez-vous été amené à traiter d’un sujet comme celui de Run ?
Philippe Lacôte Je suis issu d’une
famille plutôt politisée. J’ai également réalisé un documentaire sur les
événements de Côte d’Ivoire. Ce que je voulais, dans Run, c’était dresser le portrait d’une génération.
Dans quelles conditions techniques et économiques
votre film a-t-il été tourné ?
Dans
d’assez bonnes conditions. Le tournage a duré 8 semaines, au Burkina Faso et la
plus grande partie en Côte d’ivoire. Nous avons tourné avec une caméra Alexa
qui a tenu le choc.
Dans quelle direction avez-vous orienté votre
interprète principal, Isaach de Bankolé ?
C’est
lui qui a amené sa méthode, en me donnant le choix entre plusieurs
propositions. Pour avoir travaillé avec Denis Lavant sur deux courts métrages,
je connais l’intérêt du regard des acteurs sur le scénario. Dans Run, le personnage d’Isaach est
l’incarnation de tous ces intellectuels et ces politiciens idéalistes qui ont
cru à l’indépendance, à l’époque de la décolonisation. C’est un solitaire, mais
il n’est ni dur ni aigri, bien que le film soit parfois brutal. Je précise
enfin qu’il ne s’inspire d’aucun modèle identifié.
Quelle est la principale difficulté que vous ayez
rencontrée au cours de cette aventure ?
Run traitant d’un
sujet politique dans un pays qui sort d’un conflit, le terrain était sensible.
Nous avons été accusés d’avoir un regard partisan et une polémique a éclaté
dans les journaux. Après cela, c’était difficile de tourner dans les rues
d’Abidjan même si le tournage n’a jamais été stoppé par la production.
L’enseignement, c’est que les cinéastes ont le droit d’aborder des sujets
politiques à leur manière !
Quelle conception vous faites vous de votre métier de
réalisateur ?
Le réalisateur
est un coureur de fond. Comme pour les athlètes de haut niveau, il faut rester
calme, concentré, être endurant et savoir prendre des risques au bon moment.
Quel est le stade de la réalisation qui vous tient le
plus à cœur et pourquoi ?
Les repérages.
Parce que tout est encore possible. Et parce que c’est lié à la marche.
Vous sentez-vous des affinités particulières avec d’autres
cinéastes ?
Le cinéma est
international et certains réalisateurs qui ne sont plus là sont plus actuels
que d’autres qui continuent à tourner… L’idéal pour moi serait un film qui
comprendrait à la fois une séquence d’État
de siège de Costa-Gavras, une autre
du Jeu de la mort de Bruce Lee, une
du Stalker d’Andreï Tarkovski, le
tout collé à trente minutes d’un film de Sergio Leone…
Pensez-vous que la vulgarisation des nouvelles
technologies ait influé sur votre conception du cinéma ?
Dans le sens ou
tout le monde filme aujourd’hui. Les spectateurs sont sollicités en permanence
par des images et des sons. Il faut proposer des images qui ont du sens et de
la force. Qui détonnent.
Quelle importance accordez-vous au festival de Cannes ?
Cela fait vingt-neuf
ans que la Côte d’Ivoire n’avait pas été présente au festival de Cannes. La
dernière fois, c’était en 1985, avec le réalisateur Désiré Ecaré et son film Visages de femmes. C’est donc un
événement pour mon pays qui est en train de reconstruire son cinéma.
Quels sont vos projets ?
Mon deuxième
long métrage s’intitule If God Says Yes
et se déroule à la Maca, la prison d’Abidjan. C’est une adaptation libre d’un
roman d’Edgar Allan Poe. Il y est question d’amour et de naufrages, de pirates
en quête de Graal, de perversité. Nous sommes à la recherche de partenaires.
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
en mai 2014
Bande annonce de Chroniques de guerre en Côte d’Ivoire (2008)
Commentaires
Enregistrer un commentaire