July Jung © DR
Née en 1980, la réalisatrice coréenne July Jung signe avec A Girl at My Door son premier long métrage après deux courts : A Man Under the Influenza (2007), qui s’est vu distingué au festival international de Pusan, et A Dog Came into My Flash (2010). Elle a bénéficié pour ses débuts du parrainage prestigieux du réalisateur et ex-ministre de la Culture Lee Chang Dong qui a produit son film, sélectionné au Festival de Cannes dans la section officielle Un Certain Regard. La rencontre d’une policière affectée dans un port de pêche avec une adolescente livrée à elle-même et victime de mauvais traitements. Un film primé à Stockholm.
Dans
quelles conditions A Girl at My Door a-t-il été tourné ?
July Jung Dès
la première version du scénario et jusqu’à la dernière étape de la
post-production, nous étions en petit groupe. En plus, comme il n’y a pas
beaucoup de personnages dans le film, nous pouvions rester la plupart du temps en compagnie des acteurs
principaux. L’histoire se déroule au beau milieu de l’été
et nous étions contraints de nous déplacer sans arrêt, jour et nuit. Dans ces conditions, la
caméra numérique, assez légère, nous a beaucoup facilité le travail. Aussi,
nous pouvions tourner avec la lumière naturelle pour les scènes de jour, et
très peu d’éclairages artificiels étaient nécessaires pour réaliser l’ambiance
des scènes de nuit. Lors de l’étalonnage, le support numérique m’a offert de nombreuses
possibilités.
Quelle
est la principale difficulté que vous ayez rencontrée au cours de la réalisation de votre premier film ?
En effet, je n’avais jamais participé à
la production d’un long métrage, même en tant que membre quelconque d’une équipe. Donc on peut dire que c’est mon premier
long métrage. C’est probablement pour cette raison que j’ai pu me lancer dans
ce projet sans appréhension. Pourtant, au fur et à mesure, j’ai compris la
différence évidente qu'il y a entre la production d'un court métrage et celle
d'un long métrage, qui doit mettre en place presque deux heures
d’histoire ! Je pense que trouver le rythme globale et le maintenir tout
au long de la production, était la chose la plus difficile pour moi. Pendant le
montage, j’ai beaucoup travaillé dans ce sens et cela m'a permis d'apprendre
énormément.
Quelle
conception vous faites vous de votre fonction de réalisatrice ?
Comme c’est la première fois que
j'écris et réalise un long métrage, je n’ai pas encore imaginé pouvoir devenir, aussi, productrice.
Mais je tiens à vous dire que, c’est Lee Chang Dong, un réalisateur que
j’admire profondément, qui a initié la production. Tout au long de la
fabrication du film, il m’a soutenu, encouragé et a tout fait pour que je
puisse me concentrer exclusivement sur le travail de réalisation. Je l’en remercie sincèrement.
Quel est le stade de la réalisation qui vous tient le plus à cœur ?
Pendant l’écriture du scénario, j’ai ressenti une joie et un sentiment
d’accomplissement extraordinaires. Bien sûr, c’était un travail solitaire assez
douloureux, mais quand l’histoire a commencé à prendre forme, j’étais très
heureuse. Et c’est cette histoire ainsi achevée qui nous a permis de
communiquer entre nous, de tenir le coup malgré les nombreux obstacles que nous
avons rencontré pendant la production.
Vous
sentez-vous des affinités particulières avec d’autres cinéastes ?
Je pense qu'en tant que jeune
réalisatrice, je propose un regard neuf à l’industrie du cinéma coréen. Ce
regard âpre sur notre société est, non seulement le mien, mais aussi celui des
camarades de ma génération.
Pensez-vous
que la vulgarisation des nouvelles technologies ait influé sur votre conception
du cinéma ?
Lors de mes études cinématographiques, j’ai pu réaliser mes
courts métrages dans différents supports, en 35mm, 16mm puis en HD.
Malheureusement, mes cadets, qui sont aujourd'hui à l'école, ne travaillent
plus en pellicule. On peut dire que les performances de la caméra numérique
leurs ont permis de faire des films plus économiques, plus libres. Moi, j’ai eu
l’occasion de tourner, de développer, de monter et de finaliser en 35mm. J’ai
aussi expérimenté la production hybride, c’est-à-dire que j'ai tourné en 16mm
puis transféré la pellicule en support numérique pour finaliser. Et puis, bien
sur, j’ai travaillé sur des projets qui étaient uniquement tournés en
numérique. Dans un certain sens, j’ai vécu des expériences condensées qui
manifestent de ce changement de support, de la pellicule au numérique, et de la
mutation de l’industrie du cinéma. A la suite de mes expériences personnelles,
je me suis demandée ce qu’était l’outil cinématographique, et le rôle de ce
dernier dans la concrétisation du cinéma en tant qu'art. J’aime le caractère de
la pellicule, mais en même temps, je crois que le support numérique a son
charme. Surtout, parce qu'il facilite toutes les étapes de la production, exige
peu de restrictions, et offre, en conséquence, beaucoup de libertés aux
cinéastes. D'une manière générale, je pense que les nouvelles technologies
affectent non seulement la manière de faire, mais aussi le contenu du cinéma.
Dans cette même perspective, la 3D m’intéresse, car je pense qu’elle me
permettrait d'élargir ma vision.
Quelle
importance accordez-vous au festival de Cannes ?
Le fait qu’A Girl at
My Door soit
sélectionné à Cannes, dans la section Un Certain Regard, a beaucoup contribué à
sa sortie en salle. Car, l’histoire de la « réalisatrice débutante,
sélectionnée dans le plus prestigieux festival au monde avec son premier long métrage »
a beaucoup fait parler les gens du métier en Corée du Sud.
Quels
sont vos projets ?
Comme je sors tout juste de la post-production, je n’ai pas encore de plans précis. Mais,
il y a une histoire que je garde dans le coin de ma tête depuis longtemps. Il
s’agit d’une petite fille qui a été insultée par quelqu’un qu’elle aimait et
admirait. Cette fille est en fait un peu plus âgée que Dohee, la gamine d’A Girl at My Door, on peut dire
qu'elle est une jeune femme, à un an de sa majorité. Cette (presque) femme
devra prendre une décision importante pour elle. Pour l'instant, tout ce que je
peux vous dire c'est que c’est inspiré d'une œuvre de Freud.
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
en mai 2014
Le court métrage A Dog Came into My Flash (2010)
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