Jacques Audiard sur le tournage d’Un prophète (2009) © DR
Film après film, Jacques Audiard, né en 1952, a creusé son trou dans le cinéma français. D’abord dans l’ombre de son père, Michel, avec lequel il a accompli ses premières armes sur les scénarios du Professionnel de Georges Lautner (1981) et de Mortelle randonnée de Claude Miller (1983). Ensuite avec des cinéastes comme Denys Granier-Deferre, Josiane Balasko, Edouard Niermans, Ariel Zeitoun et Jérôme Boivin, avant de passer lui-même à la réalisation avec Regarde les hommes tomber (1994). Au cours des deux décennies suivantes, il peaufine une demi-douzaine de longs métrages qui imposent sa maestria et lui valent d’accumuler les récompenses, parmi lesquelles deux Baftas et neuf César à titre personnel : Un héros très discret (1996), Prix du scénario à Cannes, Sur mes lèvres (2001), De battre mon cœur s’est arrêté (2005), Prix du Syndicat de la critique, Un prophète (2009), Grand Prix du jury à Cannes et Prix Louis Delluc, De rouille et d’os (2012) et Dheepan (2015), Palme d’or à Cannes. L’entretien suivant a été réalisé avant même la présentation de ce film sur la Croisette.
Dans quelles conditions techniques et économiques Dheepan a-t-il été tourné ?
Le film
a coûté entre 7 et 8 millions d’euros et nous avons tourné dix ou onze
semaines, à Paris, à Poissy, en Inde et un tout petit peu à Londres. Le film
est en numérique. C’est Why Not qui a produit et leur façon de faire me convient
toujours autant.
Quelle est la principale difficulté que vous ayez
rencontrée au cours de cette aventure ?
Trouver les acteurs. Dheepan raconte un moment de la vie d’exilés tamouls,
il fallait donc des tamouls, acteurs ou non. C’est Philippe Elkoubi et Mohamed
Belhamar qui ont fait le casting. Ils ont vu vraiment beaucoup de monde, à
Paris et en Inde. Hormis la petite
fille, née en France, ils parlent peu ou pas français. Ça aussi parfois ça a
été étrange.
Quelle conception vous faites vous de votre métier de
réalisateur ?
Communiquer
avec des gens que je ne connais pas : d’abord des financiers, des
techniciens, des acteurs etc puis un public. Un projet de cinéma s’est une idée
personnelle qui se collectivise.
Quel est le stade de la réalisation qui vous tient le
plus à cœur ?
Tous, je crois.
Un film c’est “tout ça”.
Vous sentez-vous des affinités particulières avec
d’autres cinéastes de votre pays ou de votre génération et quels sont vos
points communs éventuels ?
Des affinités
et des points communs, je ne sais pas. En revanche, je sais une chose :
j’ai besoin pour faire des films que d’autres en fassent qui me plaisent. Des films
“cinématographiques” ou des films appartenant au champ de l’art. Par exemple,
et dans le désordre : Pierre Huyghe, Camille Henrot, Mehdi Meddaci,
Philippe Parenno.
Pensez-vous que le numérique
rende véritablement plus facile la réalisation d’un film aujourd’hui que par le
passé ?
Avec
le numérique il faut accepter un nouveau rapport avec le réel. Ne disons pas
benoîtement : « Argentique ou numérique, ce sont toujours des
histoires que l’on raconte. » Le numérique n’a plus besoin de la réalité
pour fabriquer des images. Que cela soit au centre de son projet (films 3D,
fonds bleus, etc.) ou pas (films “réalistes”, etc.), avec le numérique nous
sommes entrés dans l’ère du soupçon. Et puis, oui, bien sûr, il facilite les
choses : ce n’est pas le moindre de ses défauts.
Quelle importance accordez-vous au festival de Cannes, sur le plan international ?
Votre film est
vu immédiatement par beaucoup de monde venant du monde entier. Je crois qu’à
cette échelle-là, ça ne se passe qu’à Cannes.
Quels sont vos projets ?
Un western, Les frères Sisters.
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
en mai 2015
Bande annonce américaine d’Un prophète (2009)
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