Abbas Kiarostami © Cinéma Public Films
Abbas Kiarostami a obtenu la Palme d’or du Festival de Cannes pour Le goût de la cerise (1997) et d’innombrables récompenses internationales. Considéré comme le plus grand cinéaste iranien de sa génération, il s'est fait connaître avec des films comme Le passager (1974), Le costume de mariage (1976), Le rapport (1977), Où est la maison de mon ami ? (1987), Close up (1990), Et la vie continue (1992), Au travers des oliviers (1994), Le vent nous emportera (1999), le documentaire ABC Africa (2001), puis se radicalise avec ces œuvres expérimentales que sont Ten (2001), Five (2003), Ten on Ten (2004) et Shirin (2008). Après avoir quitté l’Iran, à l’invitation de son fidèle producteur français Marin Karmitz, il est revenu à un cinéma plus traditionnel avec Copie conforme (2010), tourné en Toscane, et Like Someone in Love (2012), filmé au Japon.
Dans quelles circonstances avez-vous
réalisé Five ?
Abbas Kiarostami
J’étais parti au bord de la Mer Caspienne afin d’écrire le scénario de Sang et or qui a finalement été réalisé
par Jafar Panahi et j’ai eu envie de filmer en DV certaines images que je
voyais et qui me renvoyaient à des souvenirs de jeunesse. En fait, le tournage
de ces cinq plans s’est échelonné sur deux ans. Au début, il y en avait sept,
mais j’ai décidé d’en supprimer deux : le premier était un gros plan de
vingt-cinq minutes sur des fourmis ; le second possédait une consonance
politique car on pouvait repérer à quel endroit précis de la République Islamiste
d’Iran il avait été filmé, ce que je voulais éviter. J’aime que les lieux
soient impossibles à identifier. Selon moi, les êtres humains se ressemblent
tous profondément. Il suffit de comparer la radiographie ou l’analyse sanguine
de deux personnes choisies au hasard pour effacer les différences qui nous
séparent.
Inclurez-vous ces deux plans en bonus du
DVD de Five ?
Je
ne sais pas encore. J’y réfléchis.
Selon quels critères avez-vous choisi
l’ordre dans lequel sont ordonnés ces cinq plans ?
J’ai
fait une sorte de puzzle en essayant à peu près toutes les combinaisons, mais
j’ai toujours su que la mare dans la nuit serait le dernier. Ce plan est
d’ailleurs celui qui m’a donné le plus de mal car nous ne pouvions tourner
qu’entre vingt-trois heures et une heure du matin une nuit de pleine lune. Les nuisances
auditives et notamment le passage des voitures nous ont contraint à
réenregistrer l’intégralité du son, ce qui explique notamment que le chant du
coq suive d’aussi près le coassement des grenouilles. En tout, la bande son a
nécessité quatre mois de travail.
Le titre même de ce film indique que la suite ne
peut que tendre vers le zéro, ce qui serait un échec et me conduirait dans une
voie sans issue. Ces chiffres n’existent que par le contexte dans lequel ils
s’inscrivent.
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
en mai 2004
Bande annonce de Copie conforme (2010)
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