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Rendez-vous, vous êtes cernés !

Ce blog est né d'une constatation élémentaire : pour être lu, il faut commencer par être vu.

La presse traditionnelle semble condamnée à disparaître sous sa forme imprimée… Du moins celle qui accorde encore un minimum de confiance à l'écrit.

Déjà, au milieu des années 80, Daniel Filipacchi avait sonné le glas, dans l’indifférence générale, en qualifiant le texte de ses magazines de “gris”. On n’aurait su être plus éloquent que ce patron de presse qui misait déjà davantage sur le choc des photos que sur le poids des mots chers à la figure de proue de son empire : l’hebdomadaire Paris-Match.

Trois décennies plus tard, deux éléments inattendus ont contribué à valider sa prophétie : l’essor du Web, qui est en passe de supplanter voire de coloniser tous les autres modes de communication, et la généralisation de la gratuité. Deux utopies démocratiques qui, sous couvert de diversité et de liberté d’expression, risquent en fait de ne mener qu’à la généralisation de la pensée unique




Il semble bien lointain le temps où le directeur de la rédaction du magazine Première pouvait se permettre de refuser les pages de publicité relatives au cinéma ou à la vidéo sous prétexte d’éviter les pressions commerciales. Pourtant, en 1986, le tirage de ce mensuel emblématique avoisinait les cinq cent mille exemplaires.

Demandez aujourd’hui à un adolescent de cesser de télécharger illégalement des morceaux de musique et des films, il vous répondra que ses moyens ne lui permettent pas de payer ce qu'il peut obtenir gratuitement en quelques clics.

Par ailleurs, le prix des quotidiens ayant augmenté simultanément à la décrue de leur contenu rédactionnel, les journaux gratuits n’ont eu aucune difficulté à s’imposer. Qu’importe le néant, du moment qu’il ne coûte rien. L’important pour les publicitaires qui financent la presse, c’est que les médias soient d’abord des supports. L’équilibre économique de tout un secteur s’en est trouvé bouleversé. Jusqu’alors, n’importe quel journal se vendait deux fois : à ses annonceurs et à ses lecteurs. Quitte à cultiver parfois des liaisons dangereuses, la presse appartenant aujourd’hui dans sa grande majorité à des empires industriels qui voient dans ces “danseuses” l’occasion d’anoblir leurs autres activités. A l’exception notable du Canard enchaîné qui ne dépend que de ses lecteurs et prospère sur cette indépendance.

Longtemps le statut de journaliste free-lance m’a permis de (bien) vivre de ce métier que j’avais choisi par passion du cinéma, mais aussi de l’écrit. Ce statut de mercenaire du feuillet m’a aussi valu d'intégrer de multiples rédactions et de faire des rencontres formidables. Mais la situation s'est dégradée peu à peu, les salariés étant priés d’assumer davantage de tâches, pour la même rémunération, en assumant peu à peu le travail naguère dévolu aux pigistes, certains d’entre eux étant simultanément encouragés à écrire plus en gagnant autant, sinon moins. En contrepartie, le prix de l'indépendance est devenu aujourd’hui exorbitant.

Faute de trouver un modèle économique satisfaisant, la presse traditionnelle n’a pas résisté à l’essor d’Internet et personne ne voit l’intérêt de payer pour des informations relayées librement sur la toile à la vitesse de la lumière… qu’elles soient vraies ou fausses.

On ne compte plus le nombre de journalistes contraints de se reconvertir dans d’autres secteurs d’activité. Comme si ce métier qui consiste à informer devenait brusquement superflu dans un monde surmédiatisé où ce qui compte n’est pas d’être le plus sérieux mais le plus rapide, quitte à ne rien vérifier. Mais c’est également le lot des chaînes info emportées dans la spirale du scoop à tout prix.

Sur Twitter, il suffit de cent quarante signes bien sentis pour attirer les “followers”. Sur Facebook, la notoriété se mesure en clics, en “amis” et en “j’aime”. Du coup, la plupart des adeptes de ces réseaux sociaux y flattent d’abord leur narcissisme en jetant en pâture à leurs courtisans moins fortunés tout ce qui passe devant leur smartphone, quitte à livrer à la vindicte publique leurs moindres faits et gestes, mais aussi ceux de leurs interlocuteurs pas toujours consentants. C’est le tout-à-l’ego.

Sur le plan professionnel, tout particulièrement dans le domaine culturel, la confusion règne désormais entre les journalistes et les blogueurs. La parole des uns vaut celle des autres et n’importe qui a le droit de donner son avis sur à peu près tout. Pourquoi s'en priver ?

C’est pourquoi j’ai décidé de tenter à mon tour cette aventure…

Le débat est ouvert. A vous de l'alimenter…

Jean-Philippe Guerand

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