En
réinterprètant sa vie d’avant dans Réussir ou mourir, en 2006, sous la direction du réalisateur irlandais de My Left Foot, Jim Sheridan, 50 Cent n’a
rien laissé au hasard. Pas même ses illusions.
50 Cent avec le réalisateur Jim Sheridan ©DR
De
quelle manière avez-vous collaboré avec le scénariste de Réussir ou mourir pour raconter votre vie ?
Après la sortie de
mon premier album, je suis parti en tournée et j’ai emmené avec moi Terry
Winter. On a beaucoup parlé et je lui ai fourni à cette occasion un maximum d’informations
qui lui ont servi à nourrir le scénario. J’étais moi-même trop impliqué dans
cette histoire pour me sentir capable de la raconter sous la forme d’un script,
ce que m’a confirmé la lecture de la première version du scénario. À l’époque,
j’ignorais même qu’il y en aurait d’autres, tant le monde du cinéma m’était
inconnu. Donc je me sentais assez mal placé pour lui donner des conseils. En
revanche, je me suis mêlé des dialogues de mon personnage, car là j’étais plus à
l’aise.
Dans
quelles circonstances Jim Sheridan a-t-il été amené à réaliser ce film ?
Quand on a commencé à
évoquer ce projet, mon ami Bono [de U2]
a mentionné le nom de Jim Sheridan qui est un ami à lui. Je me suis alors
renseigné de mon côté en visionnant les précédents films de Jim et j’ai été
particulièrement impressionné par son talent de raconteur d’histoires. Ce n’est
pas un homme qui est prêt à galvauder son talent pour l’argent. Il possède une
véritable éthique, ce qui semble assez rare dans ce métier. Par ailleurs, la
plupart de ses films sont porteurs d’un message social fort, mais il reste
parfaitement conscient du fait que le cinéma est aussi une industrie, deux
qualités qui sont rarement compatibles.
Pourquoi
n’avez-vous pas fait appel à un cinéaste comme Spike Lee, par exemple ?
J’ai beaucoup de
respect pour lui, mais la transition de la musique au cinéma est particulièrement
périlleuse, parce qu’en tant que chanteur, on n’est pas attendu par les vedettes
consacrées avec beaucoup de sollicitude.
Croyez-vous
que Réussir ou mourir aidera vos
admirateurs à mieux apprécier votre musique ?
Absolument ! Au
même titre que mon livre, 50 Cent par 50
Cent, ma vie, ma vérité. Je sais que certaines personnes préfèrent la
lecture et d’autres le cinéma et c’est pour eux que j’ai consacré deux ans de
ma vie à ce film et à ce livre qui sortent simultanément. Je sais que l’évocation
de mon passé pourra servir à certains jeunes à éviter le pire. J’ai eu beaucoup
de chance et je veux en faire profiter les autres. Le seul moyen de connaître
les gens est de les rencontrer, mais c’est physiquement impossible. D’où l’importance
de s’exprimer par tous les moyens. Cette année, une bonne vingtaine de films américains
ont arboré des armes sur leur affiche pour attirer le public. Personne n’y a
trouvé matière à protester. Moi si !
Vous
avez déclaré que Réussir ou mourir émane
de vous à soixante-quinze pour cent. Qu’est-ce qui relève de la fiction dans le
film ?
Essentiellement la
partie concernant mon père. Dans la réalité, je ne l’ai jamais rencontré et je
n’ai pas la moindre idée de son identité. Mais aujourd’hui, je ne pense pas qu’il
pourrait changer grand-chose à ma vie. Maintenant, c’est moi qui suis père et c’est
un événement capital qui a changé ma conception de la vie.
Pensez-vous
mener une vie aux antipodes de celle que vous avez vécue ?
Evidemment. J’ai bien
l’intention de continuer à avoir autant de succès tout le reste de ma vie que j’en
ai depuis trois ans [rires]. Au début de ma carrière, j’ai consacré tous mes
efforts à essayer d’avoir un tube. Depuis j’essaie surtout de devenir un
artiste établi. La différence fondamentale, c’est que désormais je ne suis plus
en compétition qu’avec moi-même, ce qui implique une pression terrible. J’ai
envie de profiter de mon succès pour m’ouvrir à toutes sortes d’expériences
nouvelles.
Réussir ou mourir
est-il le film d’un chanteur ou de quelqu’un qui veut mener une véritable carrière
d’acteur ?
Avant ce film, j’ai
reçu plusieurs propositions que j’ai toute refusées. J’aurais pu jouer dans Le terminal avec Tom Hanks et Mi-temps
au mitard, le remake de Plein la gueule,
mais je tenais à ce que Réussir ou mourir
soit mon premier film. Maintenant, je n’accepterai un rôle que si je peux m’impliquer
autant dans le scénario que dans celui inspiré de ma vie.
Envisagez-vous
produire d’autres films ?
J’ai déjà plusieurs
scénarios en cours de développement. À la suite du succès de mon livre, j’ai également
monté une maison d’édition pour publier, dans un premier temps, des recueils de
nouvelles écrits par des auteurs déjà consacrés.
Quelle
a été la plus grande difficulté que vous ayez rencontrée pendant l’aventure Réussir ou mourir ?
Bizarrement, je crois
que c’est de jouer la colère. Ça m’a d’ailleurs beaucoup surpris. Je ne me suis
mis en colère que quand on me poussait à bout et là je commençais à jouer. Sur
un plateau, la tension est forcément artificielle car vous êtes entouré d’une équipe
importante qui rend toute improvisation délicate. En revanche, je n’ai éprouvé
aucun mal à pleurer, car le scénario me poussait à devenir une victime. J’imagine
qu’après notre rencontre, vous sortirez avec une autre impression de moi qu’en écoutant
mes disques.
Comment
vous êtes-vous replacé dans l’ambiance musicale de votre premier album pour le
film ?
L’ensemble de cette
aventure m’a déstabilisé. Un jour, Jim Sheridan m’a montré un premier montage
du film qui durait trois heures. J’ai passé énormément de temps sur le plateau,
car je devais aussi composer la bande originale. Par exemple, c’est en voyant
le jeune Marcus regarder une paire de chaussures dans une vitrine que j’ai eu l’idée
de composer le morceau intitulé Window
Shopping.
Êtes-vous
cinéphile ?
Oui. J’ai des goûts
très éclectiques. Récemment, j’ai aimé Aviator
de Martin Scorsese et un film policier britannique intitulé Shooters. Enfant, j’ai été très marqué
par Juice, un film interprété par le
rappeur assassiné Tupac Shakur, car je m’identifiais à ces adolescents qui
tombent dans la délinquance pour s’affirmer auprès de leurs copains du ghetto.
Propos
recueillis par
Jean-Philippe
Guerand
en janvier 2006
Commentaires
Enregistrer un commentaire