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Articles

"Stripped" de Yaron Shani

Love Trilogy : Stripped Film israélo-allemand de Yaron Shani (2018), avec Laliv Sivan, Bar Gottfried, Elad Shniderman… 2h. Sortie le 23 septembre 2020. Yaron Shani est un réalisateur qui a de la suite dans les idées et utilise la narration cinématographique comme un véritable laboratoire. Devenu célèbre avec Ajami (2009), œuvre chorale labyrinthique et foisonnante d’une rare maestria qu’il avait signée avec Sandar Copti, il est revenu cet été en solo avec une trilogie de l’amour qui s’attache à quelques êtres confrontés à la solitude et au mal de vivre dans un monde cruel qui les broie et les anonymise. Après Chained et Beloved, sortis à la faveur du déconfinement, Stripped (qui a bizarrement été tourné précédemment aux deux autres opus) s’attache à deux habitants d’un quartier de Tel Aviv que tout semble séparer, mais dont les routes vont finir par se croiser dans des circonstances inattendues. Alice vient de publier un premier roman remarqué. Sa rencontre avec

"Blackbird" de Roger Michell

Film britannique de Roger Michell (2019), avec Susan Sarandon, Sam Neill, Kate Winslet, Mia Wasikowska… 1h37. Sortie le 23 septembre 2020. L’argument est emprunté à Silent Heart (2014), un film danois réalisé par Bille August et demeuré inédit en France. Sachant sa fin imminente, une mère (Susan Sarandon) réunit ses proches autour d’elle afin d’essayer de laisser derrière elle une famille apaisée. Le fossé qui sépare ses deux filles est cependant un abysse. L’aînée (Kate Winslet) est castratrice, la cadette (Mia Wasikowska) vit avec une jeune femme qui a l’âge de son neveu. Le père (Sam Neill), lui, observe ce petit manège avec un humour mâtiné, mais n’est pas dupe pour autant. Tout l’enjeu de Blackbird réside dans un scénario en huis clos qui lorgne clairement du côté de la fameuse règle des trois unités et assume son caractère théâtral. Son intérêt repose sur la qualité exceptionnelle de son interprétation qui donne un précieux supplément d’âme à ce

"Pierre Cardin" de Todd Hughes et P. David Ebersole

House of Cardin Documentaire américano-français de Todd Hughes et P. David Ebersole (2019), avec Pierre Cardin, Jean-Paul Gaultier, Philippe Starck… 1h35. Sortie le 23 septembre 2020. Ces derniers temps, plusieurs créateurs de mode et couturiers ont fait l’objet de documentaires d’une qualité remarquable à l’occasion desquels le cinéma a souhaité prendre une certaine hauteur par rapport à ce monde fantasmatique. Sans atteindre la richesse esthétique bluffante du McQueen de Ian Bonhôte et Peter Ettedgui, l’évocation par les américains Todd Hughes et P. David Ebersole du doyen de l’école française, dont on réalise qu’il est aussi l’une des personnalités françaises les plus célèbres de la planète, s’impose par sa richesse et la multiplicité de ses angles croisés. Longtemps éclipsé par Yves Saint-Laurent et ses deux biopics médiatisés, voire le très narcissique Karl Lagerfeld, Pierre Cardin est restitué ici à travers une carrière exceptionnelle d’où émergent à la fois

“Éléonore” d’Amro Hamzawi

Film français d’Amro Hamzawi (2020), avec Nora Hamzawi, André Marcon, Julia Faure… 1h24. Sortie le 23 septembre 2020. Trimbalant avec elle le poids de son mal être de trentenaire en quête du prince charmant, sous la surveillance rapprochée de sa mère et de sa sœur, Éléonore a toujours rêvé de vivre de sa plume, mais se voit contrainte de réviser son plan de carrière à la baisse en acceptant un poste d’assistante à tout faire dans une maison d’édition d’ouvrages érotiques qui table moins sur sa renommée littéraire que sur les frustrations sexuelles de sa clientèle. Affectée d’une irrésistible maladresse, cette incorrigible idéaliste biberonnée à une culture vertueuse d’un autre âge, où la littérature est sacralisée comme un sacerdoce, rate à peu près tout ce qu’elle entreprend, faite d’aller au bout de ses envies et d'accepter la moindre compromission. Jusqu’au jour où elle réalise que c’est parmi ses névroses encombrantes qu’il lui faut puiser son inspiration,

Caroline Vignal : Vertiges de l’humour

Caroline Vignal sur le plateau d' Antoinette dans les Cévennes entre Olivia Côte et Laure Calamy Estampillé du prestigieux label “Sélection officielle du festival de Cannes 2020”, qui signifie que cette comédie aurait dû être présentée sur la Croisette en mai dernier, et bénéficier ainsi d’un retentissement médiatique optimum, Antoinette dans les Cévennes met en scène une institutrice à qui son amant, père d’une de ses élèves, annonce le jour de la kermesse de fin d’année qu’il part finalement en vacances en famille plutôt qu’avec elle. Sur un coup de tête, l’infortunée maîtresse (aux deux sens du terme) entreprend de suivre le goujat pour lui faire rendre raison de sa trahison. Mais sur place, rien ne va se passer comme elle l’avait escompté… Les néo-bobos Parisiens en goguette cheminant sur les traces de l’écrivain Robert Louis Stevenson (Docteur Jekyll et Mister Hyde) , accompagnés d’un âne parfois rétif, vont accomplir un périple pédestre qui tient autant du parcours

"Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait" d'Emmanuel Mouret

Film français d’Emmanuel Mouret (2020), avec Camélia Jordana, Niels Schneider, Vincent Macaigne… 2h02. Sortie le 16 septembre 2020.   Niels Schneider, Jenna Thiam et Guillaume Gouix Emmanuel Mouret est longtemps apparu comme une sorte d’héritier de Sacha Guitry, pour son goût des mots, et d’Éric Rohmer, pour son esprit de marivaudage. Il partage en effet avec ses maîtres une fascination immodérée pour les femmes et a le chic pour leur faire dire de jolies choses dans un langage choisi. Après sept films sur le registre de la légèreté, dans lesquels il n’a pas hésité à se mettre lui-même en scène face à des aréopages de ce que le cinéma français comptait de plus exquis en matière de jeunes comédiennes, il a tenté un virage radical vers la tragédie avec Une autre vie (2013). Mais il y a plus de Musset que de Racine chez cet orfèvre des mots qui est revenu à davantage de légèreté avec Caprice (2015), puis s’est donné le temps de réfléchir avant d’accéder enfin à la rec

"Antoinette dans les Cévennes" de Caroline Vignal

Film français de Caroline Vignal (2020), avec Laure Calamy, Benjamin Lavernhe, Olivia Côte… 1h35. Sortie le 16 septembre 2020.   Laure Calamy Il y a dans l’appel de la nature qui saisit actuellement les citadins quelque chose de l’innocence assumée décrite par Gustave Flaubert dans Bouvard et Pécuchet . C’est ce constat dont rend compte Caroline Vignal dans son deuxième long métrage, vingt ans tout juste après Les autres filles . Quand son amant lui annonce sa décision de passer ses vacances avec sa femme et sa fille au lieu de roucouler en se regardant les yeux dans les yeux comme il le lui avait promis, une institutrice décide de marcher sur les traces de la petite famille du traître afin de provoquer une rencontre fortuite. Accompagnée d’un âne prénommé Patrick, elle part donc en randonnée à travers le Sud de la Lozère, sur les traces de l’écrivain Robert Louis Stevenson. Une alternative païenne au chemin de Compostelle au fil de laquelle les marcheurs séjournent da

"Rocks" de Sarah Gavron

Film britannique de Sarah Gavron (2019), avec Bukky Bakray, Kosar Ali, D’Angelou Osei Kissiedu… 1h33. Sortie le 9 septembre 2020. Le cinéma britannique indépendant n’est pas encore tout à fait mort. Il connaît même une jolie résurgence avec Rocks . Lorsque leur mère vient à disparaître, une adolescente et son petit frère font appel à la solidarité de leur entourage pour échapper coûte que coûte à l’emprise des services sociaux. Une situation qui sert de prétexte à une chronique sensible que ne désavouerait sans doute pas le maître du genre, Ken Loach, même si son caractère féminin s’avère prépondérant. Pour parvenir à cette authenticité matinée de liberté, la réalisatrice a organisé préalablement au tournage des ateliers d’improvisation qui donnent au film un caractère documentaire accru. Ce dispositif est d’autant plus pertinent qu’il marque une nette rupture avec la facture calibrée de ses premiers opus : Rendez-vous à Brick Lane (2007) et Les suffragettes (2015)

"La daronne" de Jean-Paul Salomé

Film français de Jean-Paul Salomé (2020), avec Isabelle Huppert, Hippolyte Girardot, Farida Ouchani… 1h46. Sortie le 9 septembre 2020. Interprète judiciaire franco-arabe, Patience Portefeux passe le plus clair de son temps à procéder à des écoutes téléphoniques pour le compte de la Brigade des stups. Jusqu’au jour où elle identifie un trafiquant qui n’est autre que le fils de l’infirmière dévouée qui veille sur sa propre mère. À défaut de le dénoncer, elle décide de saisir l’occasion et de s’infiltrer au sein de son réseau en profitant de ses compétences linguistiques pour améliorer son ordinaire. La police surnomme alors cette dealeuse insaisissable “la daronne”… Ce personnage d’anar fantasque qui n’est pas sans évoquer celui incarné par Isabelle Adjani dans Le monde est à toi (2018) de Romain Gavras, ne serait-ce que par sa garde-robe ahurissante de diva de banlieue vêtue de pied en cap en mode contrefaçon, est campé par sa rivale de toujours, Isabelle Huppert.