Accéder au contenu principal

“The Return, le retour d’Ulysse” d’Uberto Pasolini



The Return Film italo-greco-britannico-français d’Uberto Pasolini (2024), avec Ralph Fiennes, Juliette Binoche, Charlie Plummer, Marwan Kenzari, Claudio Santamaria, Ángela Molina, Tom Rhys Harries, Amir Wilson, Moe Bar-El, Aaron Cobham, Jamie Andrew Cutler, Jaz Hutchins, Matthew T. Reynolds… 1h58. Sortie le 18 juin 2025.



Ralph Fiennes



De “L’Odyssée” d’Homère, le cinéma n’a retenu pour l’essentiel que le bruit et la fureur, à travers quelques péplums dont un classique italien de Mario Camerini tourné en 1954 avec Kirk Douglas dans le rôle d’Ulysse. En attendant la version que tourne Christopher Nolan avec Matt Damon dans le rôle-titre, Uberto Pasolini se concentre dans The Return, le retour d’Ulysse sur les derniers chants du poème au cours desquels le voyageur revient à Ithaque où Pénélope doit faire face à ses prétendants dont ce mystérieux mendiant venu de nulle part qui va devoir la reconquérir pour récupérer son trône. Le film s’articule sur une construction dramatique efficace dont le contexte n’est qu’évoqué. Son propos consiste pour le cinéaste à confronter le combattant valeureux rescapé de la Guerre de Troie à ceux qui sont restés à l’arrière. Un propos universel qui peut s’appliquer aux conflits les plus modernes. Avec en contrepoint ce moment de sa vie où Télémaque se trouve confronté au passage de l’adolescence à l’âge adulte et doit s’ériger en unique protecteur de la mère qui l’a élevé seule, sans savoir que ces événements se déroulent sous les yeux de son père. Le réalisateur, qui se fit connaître naguère en tant que producteur à succès de The Full Monty (1997), opte pour une mise en scène résolument classique qui s’appuie en premier lieu sur le caractère de ses protagonistes. La situation qu’il décrit aurait pu servir de base à une tragédie antique. Il en respecte les codes, s’interdit tout flash-back et opte pour un dispositif qui respecte en partie la règle des trois unités sinon le temps.



Ralph Fiennes et Juliette Binoche



Le scénario de The Return, le retour d’Ulysse bénéficie de la contribution déterminante du dramaturge Edward Bond décédé en mars 2024 qui revenait là au cinéma au terme d’une abstinence d’un demi-siècle. Le casting repose en outre sur l’association de deux acteurs qui ont déjà été complices à deux reprises par le passé : Ralph Fiennes et Juliette Binoche, associés dans Les hauts de Hurlevent (1992) de Peter Kosminsky, puis Le patient anglais (1996) d’Anthony Minghella. Des retrouvailles d’autant plus essentielles qu’elles épousent le propos du film et cette aussi longue absence qui en justifie le propos. Ce postulat constitue l’un des atouts maîtres de ce drame épuré qui a foi en son arc dramaturgique au point de ne traiter les rares scènes d’action que comme autant de morceaux de bravoure destinés à révéler le héros qui se cache derrière l’homme ordinaire et ne se dévoile vraiment que lorsque la situation en vient à l’exiger. Le film parvient à trouver un juste équilibre entre les débats qui agitent les prétendants et les intrigants, face à l’attitude de Pénélope et de son fils, réduits au statut d’observateurs à un moment crucial et sous les yeux de cet inconnu venu d’ailleurs. Le scénario exploite habituellement cette situation à travers un correspondance subtile entre les mots et les actes qui contribue pour une bonne part à sa densité et à une tension qui ne cesse d’aller crescendo. Au point de proposer une relecture passionnante du roman d’Homère par le biais de son dénouement.

Jean-Philippe Guerand







Ralph Fiennes

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva...

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la viol...

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract...