Les
comédiens évoquent volontiers les films qu’ils ont tournés, rarement les rôles
qu’ils ont refusés, alors même que c’est d’abord sur leurs choix que se construisent les carrières. James Coburn est aussi fier des uns que des autres. Né James Harrison en
1928, ce colosse nonchalant au sourire éclatant demeure fidèle à la conviction
humaniste qui a toujours dicté ses choix, mais nourrit quelques regrets. Comme
celui que son agent n’ait pas réussi à convaincre le producteur de Butch Cassidy et le Kid (1969), John Foreman, de lui
laisser incarner le personnage qui devait rendre célèbre Robert Redford. Quant
au jeu du chat de la souris auquel il s’est livré avec Sergio Leone pendant dix
ans avant d’accepter finalement de tenir la vedette d’Il était une fois… la révolution (1971), il en garde un souvenir plutôt
agréable. Et il ne s’en veut nullement d’avoir laissé à Clint Eastwood le rôle
de l’homme sans nom de Pour une poignée
de dollars (1964) et d’Et pour quelques
dollars de plus (1965) ou d’avoir refusé celui de l’homme à l’harmonica
interprété par Charles Bronson dans Il
était une fois dans l’Ouest (1968). « J’ai eu beau essayer de convaincre
Leone qu’il aurait été beaucoup plus crédible s’il sifflait, il n’a rien voulu
entendre ! »
Ce
n’est qu’à trente ans que James Coburn accomplit ses débuts au cinéma dans La chevauchée de la vengeance (1958) de Budd Boetticher.
Auparavant cet ancien élève de la grande Stella Adler a appris les rudiments de
son métier en baroudant sur scène et à la télévision, à l’image de Steve
McQueen, l’un de ses partenaires de prédilection. Lanceur de couteaux dans Les sept mercenaires (1960), Coburn garde de
ce tournage l’image de Yul Brynner imposant ses caprices au réalisateur John Sturges,
« un homme qui story-boardait intégralement ses films et respectait le
scénario à la lettre ». Celui-ci emprunta personnellement un million de
dollars (le film n’en avait coûté jusque là que trois !) en hypothéquant
sa maison afin de financer les retakes de la scène d’ouverture exigés par la
star qui n’était pas satisfaite de la prestation de son partenaire Eli Wallach.
« Comme John appartenait à la vieille école, il respectait trop les stars
pour ne pas s’exécuter. »
Bande annonce de Notre homme Flint de Daniel Mann (1965)
Foucades
et caprices ne sont pas dans la nature de Coburn propulsé en 1965 au rang de
tombeur de ces dames par Notre homme
Flint (1965) de Daniel Mann en incarnant un agent secret émule de James Bond qui a inspiré
Austin Powers. « Ce film et sa suite ont connu un retentissement
considérable aux États-Unis et remodelé l’image de la virilité au cinéma »,
raconte le comédien qui compte aussi parmi ses morceaux de bravoure La chevauchée sauvage (1975) de Richard Brooks. Autre homme, autre chance : Sam Peckinpah avec lequel James Coburn a entretenu une longue amitié ponctuée de trois films comme
interprète, Major Dundee (1965), Pat Garrett et Billy le Kid (1973) et Croix de fer (1977), et d’un autre comme…
réalisateur de seconde équipe, Convoi (1978).
Il en garde le souvenir d’« un homme qui aimait faire entrer la vie sur
ses plateaux et s’ingéniait à détruire l’harmonie de ses décors pour qu’ils
ressemblent au monde tel qu’il est, ou du moins à ce qu’il croyait qu’il
était. » Quant à ses ralentis légendaires, il les compare à certains plans
d’Akira Kurosawa, ce « maître du western » qui a également influencé
deux autres de ses metteurs en scène de prédilection : John Sturges et Sergio Leone.
Ne
comptez pas sur James Coburn pour écrire ses mémoires. Il préfère apporter son
soutien actif au médicament miracle contre l’arthrite qui lui a permis de se
relever après un an et demi d’immobilisation forcée. Débordant de projets, il
évoque avec un enthousiasme de débutant son prochain film : The Yellow Bird (2001), un court
métrage tiré d’une nouvelle de Tennessee Williams dans lequel il aura pour
partenaire l’actrice britannique primée à Cannes pour Secrets et mensonges (1996) de Mike Leigh, Brenda Blethyn, et pour
metteur en scène une novice célèbre, Faye Dunaway. « Les acteurs deviennent
généralement de bons réalisateurs car ils savent s’y prendre avec les
comédiens », souligne Coburn qui avoue n’avoir personnellement jamais
goûté de la mise en scène -il a signé un épisode de la série Deux cent dollars plus les frais, en 1977-, mais déplore qu’« avec l’âge, les propositions
se raréfient. Aujourd’hui, les rôles intéressants ne passent plus par les
agents. On vous les propose directement. » Et le comédien de citer à ce propos Affliction (1997) de Paul Schrader qui lui a
valu un Oscar du meilleur second rôle de rattrapage… à soixante-dix ans. Tardive reconnaissance pour
cet homme tranquille à qui Robert Altman a offert un joli rôle dans The Player (1991), le film choral qu’il a consacré au cinéma. Il jubile de se voir changé en gallinacé domestique dans Chicken Run (2000), remake en pâte à
modeler de “sa” Grande évasion (1963) par les
studios Aardman, avec un poulailler en guise de stalag.
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
en octobre 2000
Bande annonce d’Il était une fois… la révolution de Sergio Leone (1971)
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