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James Coburn (1928-2002) : Poigne de fer et séduction

James Coburn dans Pat Garrett et Billy le Kid de Sam Peckinpah (1973) © DR

Les comédiens évoquent volontiers les films qu’ils ont tournés, rarement les rôles qu’ils ont refusés, alors même que c’est d’abord sur leurs choix que se construisent les carrières. James Coburn est aussi fier des uns que des autres. Né James Harrison en 1928, ce colosse nonchalant au sourire éclatant demeure fidèle à la conviction humaniste qui a toujours dicté ses choix, mais nourrit quelques regrets. Comme celui que son agent n’ait pas réussi à convaincre le producteur de Butch Cassidy et le Kid (1969), John Foreman, de lui laisser incarner le personnage qui devait rendre célèbre Robert Redford. Quant au jeu du chat de la souris auquel il s’est livré avec Sergio Leone pendant dix ans avant d’accepter finalement de tenir la vedette d’Il était une fois… la révolution (1971), il en garde un souvenir plutôt agréable. Et il ne s’en veut nullement d’avoir laissé à Clint Eastwood le rôle de l’homme sans nom de Pour une poignée de dollars (1964) et d’Et pour quelques dollars de plus (1965) ou d’avoir refusé celui de l’homme à l’harmonica interprété par Charles Bronson dans Il était une fois dans l’Ouest (1968). « J’ai eu beau essayer de convaincre Leone qu’il aurait été beaucoup plus crédible s’il sifflait, il n’a rien voulu entendre ! »
Ce n’est qu’à trente ans que James Coburn accomplit ses débuts au cinéma dans La chevauchée de la vengeance (1958) de Budd Boetticher. Auparavant cet ancien élève de la grande Stella Adler a appris les rudiments de son métier en baroudant sur scène et à la télévision, à l’image de Steve McQueen, l’un de ses partenaires de prédilection. Lanceur de couteaux dans Les sept mercenaires (1960), Coburn garde de ce tournage l’image de Yul Brynner imposant ses caprices au réalisateur John Sturges, « un homme qui story-boardait intégralement ses films et respectait le scénario à la lettre ». Celui-ci emprunta personnellement un million de dollars (le film n’en avait coûté jusque là que trois !) en hypothéquant sa maison afin de financer les retakes de la scène d’ouverture exigés par la star qui n’était pas satisfaite de la prestation de son partenaire Eli Wallach. « Comme John appartenait à la vieille école, il respectait trop les stars pour ne pas s’exécuter. »

Bande annonce de Notre homme Flint de Daniel Mann (1965)

Foucades et caprices ne sont pas dans la nature de Coburn propulsé en 1965 au rang de tombeur de ces dames par Notre homme Flint (1965) de Daniel Mann en incarnant un agent secret émule de James Bond qui a inspiré Austin Powers. « Ce film et sa suite ont connu un retentissement considérable aux États-Unis et remodelé l’image de la virilité au cinéma », raconte le comédien qui compte aussi parmi ses morceaux de bravoure La chevauchée sauvage (1975) de Richard Brooks. Autre homme, autre chance : Sam Peckinpah avec lequel James Coburn a entretenu une longue amitié ponctuée de trois films comme interprète, Major Dundee (1965), Pat Garrett et Billy le Kid (1973) et Croix de fer (1977), et d’un autre comme… réalisateur de seconde équipe, Convoi (1978). Il en garde le souvenir d’« un homme qui aimait faire entrer la vie sur ses plateaux et s’ingéniait à détruire l’harmonie de ses décors pour qu’ils ressemblent au monde tel qu’il est, ou du moins à ce qu’il croyait qu’il était. » Quant à ses ralentis légendaires, il les compare à certains plans d’Akira Kurosawa, ce « maître du western » qui a également influencé deux autres de ses metteurs en scène de prédilection : John Sturges et Sergio Leone.
Ne comptez pas sur James Coburn pour écrire ses mémoires. Il préfère apporter son soutien actif au médicament miracle contre l’arthrite qui lui a permis de se relever après un an et demi d’immobilisation forcée. Débordant de projets, il évoque avec un enthousiasme de débutant son prochain film : The Yellow Bird (2001), un court métrage tiré d’une nouvelle de Tennessee Williams dans lequel il aura pour partenaire l’actrice britannique primée à Cannes pour Secrets et mensonges (1996) de Mike Leigh, Brenda Blethyn, et pour metteur en scène une novice célèbre, Faye Dunaway. « Les acteurs deviennent généralement de bons réalisateurs car ils savent s’y prendre avec les comédiens », souligne Coburn qui avoue n’avoir personnellement jamais goûté de la mise en scène -il a signé un épisode de la série Deux cent dollars plus les frais, en 1977-, mais déplore qu’« avec l’âge, les propositions se raréfient. Aujourd’hui, les rôles intéressants ne passent plus par les agents. On vous les propose directement. » Et le comédien de citer à ce propos Affliction (1997) de Paul Schrader qui lui a valu un Oscar du meilleur second rôle de rattrapage… à soixante-dix ans. Tardive reconnaissance pour cet homme tranquille à qui Robert Altman a offert un joli rôle dans The Player (1991), le film choral qu’il a consacré au cinéma. Il jubile de se voir changé en gallinacé domestique dans Chicken Run (2000), remake en pâte à modeler desa” Grande évasion  (1963) par les studios Aardman, avec un poulailler en guise de stalag.
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand
en octobre 2000


Bande annonce d’Il était une fois… la révolution de Sergio Leone (1971)


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