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Xavier Dolan : Le malin génie du cinéma québécois

Xavier Dolan (au centre) © MK2 Diffusion

Né en 1989 au sein d’une famille d’artistes et comédien depuis sa plus tendre enfance, Xavier Dolan est considéré par sa précocité comme le petit prodige d’un cinéma québécois dont il se tient résolument en marge. Révélé par J’ai tué ma mère (2009), dont il est également l’un des interprètes principaux, il enchaîne avec Les amours imaginaires (2010), Laurence Anyways (2012), Tom à la ferme (2013) et tourne un clip controversé pour le groupe Indochine, avant d’obtenir le Prix du jury au Festival de Cannes en 2014 pour Mommy, qui lui vaut son premier succès auprès du grand public et de multiples autres récompenses internationales. Il se lance alors dans l’adaptation d’une pièce du dramaturge Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, dans lequel il réunit Marion Cotillard, Vincent Cassel, Gaspard Ulliel, Nathalie Baye et Léa Seydoux. Il évoque ici la gestation de son deuxième long métrage.


Dans quelles conditions a été tourné Les amours imaginaires ?
Dans des conditions plus agréables que le premier, J’ai tué ma mère, mais dans l'urgence et une certaine pauvreté. Je ne veux pas être misérabiliste, mais nous disposions de 600 000 dollars canadiens [plus de 400 000 euros] et de vingt-cinq jours de tournage. Bien que je n’aie manqué de rien, Les amours imaginaires a parfois dû payer le prix d’un modus operandi indigent et expéditif. Cela dit, ces facteurs forcent souvent la créativité et la simplicité, servant le film et le dépouillant des lourdeurs mécaniques, des artifices trop calculés qui de toute façon ne survivent généralement pas au montage… Alors tant mieux. J'aime l'aisance et les moyens à la hauteur des idées onéreuses de l'imaginaire, mais je me vois mal faire un film à cent millions de dollars pour l'instant.

Quelle est la principale difficulté que vous ayez subie ?
En rapport à la question précédente, le manque de temps… Il est toujours dommage de n'avoir qu'un plan séquence ou deux plans pour monter une scène… Je suppose qu'il est préférable de prolonger le tournage d'une trentaine de minutes pour filmer une valeur de plan différente, et se faire houspiller par un producteur momentanément inquiété, plutôt que d'être malheureux en montage, et ce sans issue.

Quelle conception vous faites-vous de votre fonction de réalisateur ?
Aucune. Je réalise des films par nécessité et par amitié pour mes collègues, mes amis, et les gens que j’ai envie de divertir ou d’émouvoir, peut-être. Je ne me pose aucune question outre mesure, et ne donne pas à mon métier une valeur, une raison d’être ou une mission plus complexe que celle d’assouvir mes instincts et mon inspiration occasionnelle.

Bande annonce des Amours imaginaires (2010)

Quel est le stade de la réalisation qui vous plaît le plus ?
Toutes les étapes sont cruciales et excitantes. J’aime écrire, j’aime tourner et j’aime monter. Si l’un de ces stades m’était peu agréable ou même rédhibitoire, je ne me l’imposerais jamais, et laisserais la place à quelqu’un qui prend son pied.

Comment vous situez-vous par rapport à la tradition cinématographique québécoise et à votre génération ?
Je pense appartenir à une génération de cinéastes qui cherche à honorer son identité sans être esclave d’une quelconque forme de localité ou d’hermétisme patriotique. On rend hommage sans plagier, on est romantique sans nostalgie ni amertume. Je suis inspiré par Gilles Carle, Claude Jutra, Michel Brault, et autres parangons du cinéma direct québécois, qui étaient résolument libres, et sous la dictature d’aucune tradition, justement. En même temps, je ne confine pas mes influences qu’à des héros nationaux. Je suis cinéphile et rapidement inspiré par le travail des autres, d’où qu'ils viennent dans le monde. Le Québec a longtemps fait des films d’auteur, et fait dans le film commercial depuis les dernières décennies.

De quelle manière intégrez-vous les nouvelles technologies dans votre démarche ?
D’aucune manière. Je me concentre sur un cinéma un peu traditionnel sans grande parenté avec le 3D ou autres découvertes spectaculaires.
Propos recueillis par
Jean-Philippe Guerand

en avril 2010


Bande annonce de Mommy (2014)

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